mercredi 27 février 2019

Mes 18 ans nostalgiques


Le passé...Le passé!  D'accord!  Il est assez normal de  le tracer quelque part pour les générations futures...Que dans mon cas, j'en arrive à cette conclusion: " J'avais tout faux",   c'est tant mieux… question de préserver les miens ...qu'ils ne se fourvoient pas sur des chemins en apparence trop lumineux qui alors risquent d'éblouir et  rendre aveugle comme ce fut mon cas...Avec du recul, on finit parfois à en être conscient.  Moment de répit aussi que de s'y bercer...Hélas,  l'actualité vous rappelle à l'ordre!   Encore,  quelques jours auparavant,  à l'une de mes émissions préférée sur Arte : les 28',  où l'ancien directeur d'OFPRA (Office français de protection des réfugiés), Mr. Pascal Brice est l'invité d'honneur ,  j'avais envie de lui poser cette question " Est-ce que j'avais tout faux quand, il y a quatre ans, j'écrivais cette chanson?: 

                                                      LAMPEDUSA


Lampedusa

Méditerranée !  Méditerranée !
La coupe a débordé  à Lampedusa

Est-ce le prélude  ou que sonne le glas
À propos du débat entre le Nord le Sud?

Méditerranée !  Méditerranée !
Théâtre de conflits depuis tant d’années

Méditerranée ! Mère de nos cultures
Autrefois si dure Envers la négritude

Sur les côtes du Nord des yachts de milliardaires
S’ennuient  dans les ports peu de monde à bord

Sur les côtés du Sud des esquifs en bois rude
S’entassent  familles entières rêvant d’un mieux être

Bateaux de fortune combien de naufrages
Avant de faire la une et puis qu’on tourne la page

Méditerranée !  Méditerranée !
La coupe a débordé à Lampedusa


Ils se veulent  libres,  vivre dans  l’Union
Où tous les hommes ici semblent égaux

On aura beau faire Schengen et frontières
Vivants ou même morts ils passeront encore

Méditerranée !  Méditerranée !
Comment voulez-vous que notre indifférence
Puisse résister à cette évidence

À Lampedusa,  à Lampedusa

Et Maître Rubens, en 1957,  le parrain de mon père qui venait de lui annoncer son projet d'ouvrir un restaurant,  ajouta encore: « -Jamais votre ménage ne tiendra ! »

Effectivement, un an après l’ouverture du Mouton d’or, ma mère quittera mon père pour ouvrir son propre restaurant « La Flambée », près de la Porte de Namur, au 24 rue Francart.  Quant à René et moi, adieu nos ambitions de carrières plus cérébrales ; lui c’était les langues pour devenir interprète ; et moi j’hésitais encore entre la physique et l’agronomie, ayant encore plus d’une année à tirer avant la Fac.

Après vingt ans de mariage, nos parents se séparent (1960), je ne retournerai plus à l'Athénée d'Ixelles après les vacances de Pâques finir mes Humanités.  Conclusion, je mettrai plus de quatre décennies à mieux comprendre - et encore avec beaucoup de manques - ce que j'aurais pu apprendre en dix fois moins de temps à l'Université. 


                                  Je n'ai que dix-huit ans

Je n’ai que dix-huit ans
Dans ce combat de mille ans
Pour calmer cette révolte
J’ai besoin d’amitié

Méprisé rejeté
Avant de naître orphelin
De l’amour désinvolte
D’un couple sans destin

Plus d’amis plus d’études
Mon diplôme la solitude
Plus de famille  une vie rude
Sera mon premier prélude

Chacun a droit à l’amitié
Et je trouverai ma destinée
Pour vivre l’Éternité
Le vent la mer et le soleil
Nous porteront vers l’Éternel

Face à l’immensité
Des besoins de la cité
Là le cœur est second
Loin derrière la Raison

Compagnons de la rue
M’ont trouvé ingénu
M’ont promis beaucoup d’or
C’est un sort qui dévore

J’ai cherché la Lumière
Parcouru mers et terres
Pour trouver enfin nu
L’Amour m’est apparu*

De cet amour appelé Soleil
Dix mille enfants au cœur si pur
Qui même aux yeux de la Nature
Feront en sorte qu’elle s’émerveille
Car notre amour est éternel

Un clic pour écouter cette chanson

Je la dédie à Jean-Baptiste de la Salle et à Don Bosco


Ah oui,  que je suis fier sur ma Lambretta 125 cc ! .  La joie aussi des petits frères pour des  tours,  derrière sur le scooter,  dans le quartier!


Année 1960 rue Francart à XL (près Porte de Namur).  René (20 ans) l'aîné de notre fratrie prend la photo - on n'aperçoit pas le restaurant de notre mère, la Flambée au 24 juste en face, où tous les jeudis midi se réunissaient, dans la salle de banquet au premier étage, le FDF (Front démocratique francophone - Parti politique dominant à Bruxelles à l’époque, avec Madame Catherine Spaak, la Présidente.


Debout devant: Polo (8 ans); derrière moi, il y a les jumeaux de dix ans: Jean-Luc, à mon dos, et Jean-Marie, devant Claudine âgée de douze.   Nous sommes tout de même un peu désorientés:  nos parents viennent de se séparer... et adieu mon rêve de la Fac pour apprendre l'Agronomie ou la physique! (Grande frustration que je compenserai en ouvrant de nombreux restaurants).    René s’engagera deux ans comme steward sur les paquebots Noord Star et le Southern Cross d'une compagnie anglaise.


Bien sûr qu'il y a de mon vécu dans cette chanson, sauf de n’avoir jamais touché à la drogue.   Pour la créer, il fallait me glisser dans la peau des mineurs qui fréquentèrent notre resto du cœur. -   À l'instar de Coluche en 1986, au 17 rue de la Fourche au centre de Bruxelles, il était une fois un resto du cœur! -   Des jeunes paumés, en décrochage scolaire, angoissés et   dépendant de substances pour y échapper.  Il fallait leur donner du courage; qu’ils croient en eux-mêmes...mais aussi,  à la demande du studio d'enregistrement (Studio DES à Bruxelles et d'Alan Booth qui arrangera pratiquement par la suite toutes mes chansons),    ajouter une autre mélodie sur la  face B au 45 T. Vinyle de
 "Alleï -Alleï Bruxelles" 

Mars 1987.  Le printemps! Le resto fermait et nos convives de l'hiver  devaient repartir d'un bon pied avec le soleil comme compagnon emmenant le disque en guise d'adieu, sur lequel étaient gravées ces deux  chansons dont celle-ci qui s'adressait tout particulièrement aux moins de vingt ans.  L'une des rares filles de cette génération,  Dominique,  une petite rousse aux cheveux courts,  si ma mémoire est bonne,  qui venait régulièrement et n'hésitait pas à donner son petit coup de main  pour servir les deux-cent-cinquante convives, mais dépendante de la méthadone,  ne croyait pas qu'elle pourrait récupérer ses facultés intellectuelles...Cependant, en lui expliquant que le cerveau est une machine fantastique qui a des capacités exceptionnelles pour se réadapter et se régénérer, j'ai eu ce bonheur de déceler dans ses yeux comme une lueur d'espoir .  

dimanche 24 février 2019


Il était une fois au cœur de Bruxelles


Toujours en souvenir de Corroy-le-Grand avant 1950.
De cette fratrie de douze enfants, dont la marraine Esther était l’aînée et mon grand-père Georges, le cadet, ne succédera qu’une fille, Georgette, ma mère et Marcel, son cousin germain.    Il y avait donc de l’amour à revendre dont René et moi profitions de ces deux grands-tantes sans enfants.    Heureusement, Lucio, palliera à ce manque d’héritiers.  Georgette, leur nièce chérie mettra au monde sept descendants dont des jumeaux (Jean-Luc et Jean-Marie) ; Paul le cadet le restera car hélas !, le dernier enfant, une petite Martine de plus de quatre kilos s’est étouffée par le cordon ombilical quatre jours avant la naissance, le seize octobre 1956.   Et tout à basculer dans nos vies.  Cette maman au foyer, de trente-six ans, pour échapper à sa profonde tristesse décida de trouver un emploi - peut-être plus celui de secrétaire dans un cabinet d’avocat, avant nos naissances et la fuite au Portugal en 1943, suite à l’Invasion allemande -, mais comme vendeuse-démonstratrice aux Galeries Ansbach au centre de Bruxelles.  Et ainsi a jailli dans la tête de mon père l’idée d’ouvrir un restaurant.
« -  Si tu veux travailler, alors pourquoi pas ensemble en ouvrant un restaurant ? »
« - Un restaurant, avec six enfants !  Mais vous êtes fous ! », s’exclamera Maître Rubens, parrain de mon père baptisé à seize ans.  Mon grand-père, tout Portugais qu’il était, n’en était pas moins complètement athée.  In fine il céda aux arguments de l’avocat et de sa femme très catholiques ; surtout que ces derniers n’ayant pu avoir d’enfant, admiratifs de ce jeune Portugais très studieux, le considéraient comme leur fils.  Il est vrai qu’il brillait pour ses études de violon, de dessin à l’Académie des Beaux-Arts, et ses cours de Polytechniques (interrompus par la guerre) pour devenir ingénieur à l’Institut Solboche.   Ils l’avaient déjà aidé financièrement en 1951, afin de lui permettre de créer « Tricork », son bureau d’étude pour la fabrication de portes en lamellé de liège, brevet venant du Portugal… et il est possible qu’ils auront encore donné un petit coup de pouce pour l’ouverture du restaurant « le Mouton d’Or » au 21 Petite rue des Bouchers.  Et ainsi un quartier morbide interdit des bas-fonds de Bruxelles, d’avant 1958, où le commerce de la prostitution régnait en maître, se métamorphosa, en très peu de temps, en un cœur gastronomique de la future capitale de l’Europe, dont ce paternel en était l’un des précurseurs européens, par son slogan « Manger portugais dans le plus parisiens des restaurants bruxellois », qui attira tous les artistes et stars de l’époque.   

vendredi 22 février 2019


Ecce marin …mais bref, j’avais tout faux !
  Depuis qu’Hélène m’avait quitté, je comblais ce vide par de nouvelles habitudes au réveil, à savoir : un grand crème et des croissants dans la quiétude d’une brasserie, fréquentée le plus souvent par de gens atteints de la même addiction, en général des célibataires ; s’il y a un couple ou deux, c’est qu’ils viennent de se connaître.   Ce qui était mon cas pour ma première nuit avec Louisa.
  Au fond, les choses rentraient dans l’ordre.  Hélène et son docteur vivaient ensemble sous le même toit, à savoir mon « ex chez-moi » depuis quelques jours… et nuits. Quoi de mieux pour sa santé ! Notre séparation s’était passée avec élégance, due à la sérénité de ma nouvelle psyché née du fait de manger mes aliments sans les cuire. Aucun sentiment de jalousie, aucune passion violente, ni colère, ni frustration ! Certains paléontologues se posent la question, lorsqu’ils constatent qu’avant l’agriculture, la sédentarisation qui en a découlé et la cuisson des aliments, les ossements humains de l’époque ne présentent pratiquement pas des traces de lésions dues à des combats.  L’instinct belliqueux serait-il qu’une conséquence d’un dérèglement du cerveau par l’absorption de molécules non originelles ou MNO* ?  (Sans doute se mangeaient-ils entre eux avec douceur et délicatesse!- * ! MNO  ou molécules non originelles sont le résultat de la cuisson et du mélange des aliments que nos enzyme n'arrivent pas toujours à identifier et finalement ces MNO s'accumulent dans l'organisme et peuvent le perturber)   Grâce à cette nouvelle compagne, petite Anglaise de vingt ans ma cadette, j’allais perfectionner la langue de Shakespeare. Cette différence d’âge ne la gênait pas.  Elle ne semblait pas se moquer de moi quand elle m’affirma :
  « -  En Angleterre, la vie d’un homme commence à quarante ans ».
 Trop tard donc puisque j’en avais cinq de plus. Et elle s’était mise à rire. C’est toujours bon signe! Pourtant, à l’aube, après cette nuit avec cette jolie petite fée qui s’était blottie dans mes bras, je pensais encore aux paroles d’Hélène :
 « - Tu devrais trouver un marin qui connaît ces mers ! ».
 Nous allions emprunter la passerelle pour descendre à terre, et fûmes surpris de voir à son extrémité sur le quai un personnage curieusement vêtu qui rappelait ces flibustiers ou pirates des Caraïbes dans les films technicolors des années 50 de la Paramount.  Il s’appuyait à la rambarde du Coloba.  Un grand gaillard, entre trente et quarante ans, dont les traits du visage rappelaient Victor Mature, doté des yeux perçants de Mel Gibson ; mais aussi, un côté féminin dans sa façon de parler qui me rappelait Anémone, quand celle-ci jouait les révoltées.    Il ne lui manquait que le sabre d’abordage et le perroquet vert sur l’épaule.  Les caméras ne devaient pas être loin.  Sans doute faisaient-ils une pause ?...  Mais non…   Aucune équipe de tournage ne campait aux alentours.  Juste ce « Victor-Gibson-Anémone » se balançant d’un pied à l’autre, hésitant et semblant m’attendre.  J’avais l’impression de le connaître ; sans doute parce qu’il me faisait penser aux héros de mon enfance. Par quoi avons-nous entamé la conversation ?   Je ne m’en souviens plus … mais ce colosse m’intriguait : il n’était certainement pas là par hasard.  Pourtant, avant d’acquiescer à mon invitation, il m’avait semblé hésiter. Je me poserai cette question plus tard : était-ce le comportement de quelqu’un qui ne veut pas avoir l’air de quémander ce qu’il souhaite vraiment?  N’étant plus « Instincto »   qu’à moitié… ? (Oui c’est un sujet assez épineux dont je parlerai plus loin), pour avoir l’esprit clair au réveil, il me faut un café…
- On peut continuer à causer là-bas, si tu veux, lui montrant du doigt la porte des remparts millénaires.  - Que me voulait donc ce curieux personnage ?  Et nous voilà attablés dans la taverne située juste derrière le grand portail qui donne accès à la vieille ville portuaire.  En moins d’une demi- heure, il m’avait expliqué son parcours : il est Suisse et naviguait sur son propre bateau depuis quelques années avec Êve, sa compagne, une Française rencontrée à Paris pendant la révolte des étudiants de mai 68.  Avec d’autres jeunes du canton, il était descendu se mêler à cette vague déferlante et en colère des pupilles de la nation.  À l’écouter et observant ce grand gaillard d’une autre époque, on pouvait aisément imaginer ces scènes de BD d’Uderzo et Goscinny dessinant Obélix, se ruant sur une légion de Jules César, heureux de cette aubaine. « Nous étions partis casser du flic », disait-il en riant.  Son navire ? Au départ, une épave immergée aux marées en Norvège, appartenant à un charpentier maritime qui finira par embaucher ce jeune serrurier helvète.  Ce dernier, après son passage à Paris, d’un chantier naval à l’autre, soit comme marin pêcheur, chaudronnier ou charpentier, n’avait fait que perfectionner ce qu’il savait déjà des bateaux.  En Suisse, il n’y a pas que les montagnes, grâce aux grands lacs, la passion de la voile y est tellement développée qu’on retrouve, sur toutes les mers, énormément de voiliers battant le pavillon à la croix blanche.  Ce Scandinave avait remarqué que sa nouvelle recrue n’arrêtait pas de tourner autour de cette coque bonne pour être démantelée…et un soir d’ivresse, où on parlait évidemment de drakkars :
- « D’accord, tu peux l’avoir, mais tu me paies les clous en cuivre », proposa ce descendant des Vikings.
 Cette épave se métamorphosa en un joli cotre de douze mètres avec lequel pendant plus d’une dizaine d’années il sillonna les océans.  Hélas, son bateau terminera sa course sur la barrière de corail en face de la Papouasie !    À la dérive dans son life boat, ce Vaudois fut recueilli par la marine australienne.  Illico presto manu militari, ce natif de la ville d’Yverdon fut renvoyé par avion (sa terreur) en Suisse où il était fiché comme déserteur.  Paradis fiscal pour certains, mais la complaisance pouvait avoir des limites ; surtout pour les enfants de la patrie.  Au pays des banques, on ne plaisante pas avec le service militaire obligatoire.   Trois mois de travaux forcés à l’entretien des routes.  Cela ne dérangea pas tellement cet ex-montagnard habitué à la vie rude.        À sa libération, un peu paumé, il consulte une voyante.  Il n’a plus de bateau (c’était sa maison), plus de famille non plus.  Êve qui lui avait donné un fils pendant ces longs périples en mer, l’avait quitté en Australie avant le naufrage (sans doute, l’une des causes de la perte de son voilier). Pour donner un aperçu de l’homme, (côtoyé pendant quinze ans, amateur de cannabis et autres substances illicites), je peux déjà vous dire qu’elles s’enfuiront toutes face à ses crises démentes. Le plus dur pour lui dans cette séparation, c’est qu’Êve emmena Sindbad, leur môme de quatre ans.  Or, une véritable complicité liait le père et l’enfant.  Il lui apprenait déjà à plonger et nager sous l’eau pour attraper le poisson ; à tenir la barre et maintenir un cap.   Ce gorille portait à son fils un amour père-mère.  Par ce déchirement, on peut penser que c’est une des grandes causes qui le fit succomber à la drogue et l’alcool.  Des années plus tard, il m’expliqua avoir pris en remorque deux pirogues de pêcheurs aborigènes pour revenir au lagon.  Mais, suite à un orage durant la nuit, les deux barques papoues amarrées à la poupe, se sont remplies d’eau et, alourdies, ont gêné à la manœuvre du quillard qui rata le passage de la barrière de corail vers le lagon et s’échoua sur les rochers.  Le cotre se disloqua sous les déferlantes impitoyables de l’océan.  Comment un marin aussi averti n’avait pas pu prévoir cette catastrophe ?  Disons que je crois qu’avec ses hôtes à bord, il dormait après une nuit de veille au cannabis... Peut-être que depuis que la mère et l’enfant ne partageaient plus le quotidien de ce corsaire ? N’avait-il plus vraiment son regard d’aigle des montagnes suisses ?  L’Ecce marin n’était plus que l’ombre de lui-même, diminué par l’absorption d’alcools et de drogues.    Finalement, cet encasernement forcé de trois mois en Suisse lui permit de se désintoxiquer complètement.
 « - Tu devrais te mettre au service de quelqu’un », lui conseilla celle qui voyait plus loin que son ombre.
Sur ce, en stop, trois jours plus tard, voilà ce new man devant le Coloba.  Lui-même se demandait ce qui l’avait attiré vers ce genre de bateau qu’il considérait comme des « fers à repasser » ou « promène couillons ».  La veille, dans un bar fréquenté par des marins, il avait vaguement entendu parler d’un Belge, propriétaire d’un motor–yacht prêt à l’échange pour un voilier et qui avait peut-être besoin d’un skipper pour un projet assez fou.  C’est son instinct qui le guida jusqu’à moi. Comment le courant pourrait-il passer entre ce hippie de la mer, à sa barre franche, qui ne naviguait qu’à la voile au gré du vent et ce bourgeois plaisancier haut perché, debout, presque arrogant sur le Fly bridge à douze pieds au-dessus des flots ; l’une de ses mains qui n’aura qu’à enfoncer les deux commandes Morse pour lancer la cavalerie des mille CV à plus de vingt nœuds (au grand bonheur des marchands de fuel) vers la Corse et épater ses invités?  Un point commun peut-être : deux pères, brutalement privés de leurs enfants ; deux hommes paumés, au cœur lourd, sans famille   qui avaient à faire face à leur nouveau destin.  Et je pensais à Hélène :
« Ce n’est tout de même pas elle qui me l’a envoyé ! »
Intrigué, c’est certainement la raison pour laquelle je l’avais invité à prendre ce café au Clipper.   La télépathie existe d’après certains scientifiques.   Tous les organismes vivants seraient de véritables émetteurs-récepteurs.   La force du subconscient !  Nous sommes tous interconnectés.  Penser du mal de quelqu’un, c’est sûr qu’il le ressentira et renverra la balle dans le même état d’esprit.  L’inverse aussi d’ailleurs !  Donc, je m’efforce pour la seconde solution.  Pas toujours facile.  Déjà à la fin du 19ièmeSiècle,  l’éminent physiologiste Claude Bernard,  -  fort apprécié par les anatomistes pour l’aboutissement des recherches, entre autres sur le système sympathique,  avait mis dans ses notes : « Il y a quelque part une idée directrice qui préside à la conservation des êtres.»*  En tout cas aussi pour préserver la mienne … moi  qui serais parti sur ces océans,  sans une véritable expérience, non pas du maniement à la voile – un petit ou grand voilier, le principe est toujours le même* -, pas non plus pour une transat médiatisée avec une certaine assistance,  mais affronter chaque jour les éléments, les tempêtes,  ignorant les mentalités aux antipodes des nôtres,  je pense qu’il y avait tout de même  certains risques. 
*Avec Paul Maes, (qui deviendra champion de Belgique) compagnon de classe à l’Athénée d’Ixelles, j’appris à barrer des vauriens, petits dériveurs, sur le canal au Pont Van Praet à Laeken où se situe le B.R.Y.C. (Brussel Royal-Yacht club)
Bien que je ne sois pas le premier novice qui se lancerait dans l’aventure.  En Nouvelle Calédonie, j’ai rencontré un jeune plombier parisien solitaire, sans expérience, débarquant avec son Arpège, un voilier de 8 mètres, parti de Marseille pour arriver à Nouméa.  Ensuite il vendit son bateau et exerça son métier au pays des Canaques.
 « -  J’ai appris en naviguant », m’avait-t-il dit modestement.
Évidemment, je doute qu’il ait traîné en face des côtes vietnamiennes, se coltinant avec quelques Thaïs.   Son voyage fut presque du direct, juste quelques escales pour se ravitailler.  Ceci dit, l’Arpège est un super petit bateau hauturier très fiable.  Cependant, je conseille aux débutants d’apprendre à naviguer en eau calme plutôt que dans une mer démontée.   Avec recul, ayant voyagé sur les mers avec Jean-Lou (pas assez à mon goût), je sais que ce n’est pas d’avoir régaté sur un petit dériveur de 4 mètres à l’âge de seize ans, que j’avais l’étoffe d’un skipper pour un sloop de 52 pieds, le « Spirit of Sindbad », pour m’aventurer sur des mers insolites.  Dangereuses ?   Pas uniquement à cause des tempêtes et des récifs.  Il y a ceux qui ne vous voient pas : les pétroliers lancés à plus de vingt nœuds ;    et ceux qui vous voient trop bien, vous entendent, même s’ils ne comprennent pas, ils écoutent, jaugent l’exubérance du petit groupe qui se détend dans un bar après les quelques miles en mer.  Ils auront vite compris ce que vous valez et où mouille votre yacht. Ils s’approcheront à la rame, silencieusement la nuit, grimperont sur le pont, vous dépouilleront pendant votre sommeil qui parfois risque de se prolonger éternellement.  En juin 2002, la police maritime vénézuélienne avait découvert quatre cadavres dans un voilier qui semblait abandonné près des côtes de l’île de Trinidad où nous avions fait escale.   Les insulaires n’avaient pas l’air trop étonnés.  Ces drames sont assez courants, paraît-il.   Le monde de la mer est une jungle qui peut être très dangereuse. Surtout ne pas se faire remarquer.    On est loin de la mare aux canards et de naviguer en père peinard.  C’est ce que j’apprenais avec ce Patagon* des mers : Jean-Louis Buclain, qui semblait en rajouter.  Essayait-il déjà de me faire comprendre que je ne pourrais me passer de lui ? :
- Le Golfe du Mexique, les côtes amazoniennes peuvent être l’antre de chasse de pirates qui se croient encore au 17ième Siècle, mais moins nombreux quand même que les canailles qui hantent la Mer Jaune et les côtes vietnamiennes où se risquent les Boat people (Du moins à cette époque)
*Ah oui !  Le Patagon des mers, terme un peu abusif dans le jargon des marins, ne désigne pas uniquement les habitants de la Patagonie, mais   un certain type d’aventuriers hippies, opportunistes qui sillonnent les mers sans ports d’attache, un peu comme les gens du voyage avec leurs roulottes ou leurs caravanes!  Il s’agit néanmoins, comme j’ai pu le comprendre, de navigateurs indépendants ayant logiquement atteint le détroit de Magellan.
Bien plus tard, une nuit aux Bahamas, à Nassau plus exactement, il nous fallait traverser un quartier plein de junkies qui semblaient menaçants, surtout si on n’a pas la même couleur de peau.  C’était presque sûr, que passer au milieu d’eux, on se faisait, au mieux, dépouiller, ou pire….  Jean-Lou m’interpella:
 « - Parlons fort, ayons l’air de nous engueuler.  Navré si je te secoue ».
Et nous sommes partis d’une démarche rapide et volontaire à travers ces ombres inquiétantes sans avoir l’air de les apercevoir, en nous insultant mutuellement (là, on en avait déjà l’habitude !)  On passa sans encombre. Comme comédien, Jean-Lou pouvait rivaliser avec les plus grands. J’avais bien remarqué leur étonnement, mais ils affichaient plutôt un sourire moqueur pour ces deux écervelés qui se bousculaient à propos de quelques grammes de coke.  Nous étions effectivement surtout deux fous tombés, l’un comme l’autre, dans un piège.   Ce fut, entre nous, un éternel consensus frauduleux au sujet du Spirit of Sindbad.  J’ai souvent regretté mon Yacht, le Coloba, seul à la barre, seul capitaine à bord.  S’il y avait parfois un ou deux marins, c’était juste pour entretenir le bateau. Pour Jean-Louis, quand j’avais la chance de retrouver le Spirit of Sindbad (dont j’étais parfois sans nouvelle plus d’un an), il me présentait comme son sponsor – ce qui en dit long !  Une fois, il me chuchota en venant m’accueillir à l’aéroport de Point-à-Pitre :
-  Ne dis pas que c’est ton bateau.  
Et moi, le naïf, je marchais dans ce genre de combine.  Quelle erreur!  Même si l’entourage finissait par se rendre compte qui est le propriétaire, ce genre de situation ne fera que s’empirer, jusqu’à la destruction du Spirit of Sindbad percuté par un cargo la nuit, en face du Surinam, quinze ans plus tard.   Tout ça par ma faute, laissant le bateau aux mains de Jean-Lou, un marin alcoolique et toxicomane, (bien sûr, je ne m’en étais pas rendu compte au début !), pour ce besoin de me libérer et présenter mes chansons en France et en Belgique. Oui, la maladie soi-disant presque incurable de mon épouse m’avait plongé dans le besoin de comprendre les différentes causes   qui convergeaient toutes vers le principal responsable de son état faiblissant : notre façon de nous nourrir.  Moi, le restaurateur quasi industriel, je me suis brusquement senti coupable.
Bref,  j’avais tout faux !

jeudi 21 février 2019


Deux ans plus tôt
Du Coloba au Spirit of Sindbad… avec mes nouvelles lubies : 
« Les Boat people du Vietnam »
La rencontre de Jean-Lou, le baroudeur des mers.
(Encore une fois, je le répète : J’avais tout faux !)
Antibes fin Septembre 1987
J’adorais mon Coloba, un motor-yacht de 57 pieds.   Il avait toutes les qualités nautiques qu’une famille puisse rêver pour les vacances d’été : sillonner la Méditerranée au large, de l’Espagne à l’Italie et des îles relativement proches.  Disons : naviguer en père peinard comme l’avait chanté Georges Brassens. Mais cette famille venait de se briser.   Pour vaincre cette solitude soudaine, j’avais décidé de partir bien plus loin, franchir les océans.  Il me fallait d’autres horizons. Un fait de l’actualité de 1979 m’avait particulièrement frappé : des embarcations vétustes au milieu de la Mer de Chine, au gré des flots, dans lesquelles se tassaient en surnombre des familles vietnamiennes qui préféraient braver l’océan que les Khmers rouges.  J’avais encore en mémoire ces images qui défilaient sur le petit écran : des moribonds sauvés in extrémis.  Ceux-ci avaient de la chance puisqu’on les avait repérés.   Sur le plateau de la chaîne, un jeune médecin, Bernard Kouchner, est entouré de personnalités du cinéma : Simone Signoret et Yves Montand, mais aussi d’intellectuels comme Jean-Paul Sartre, Raymond Aron, André Glucksmann. En 1978, avec M.S.F. (Médecins sans frontières), ils avaient constitué un comité de soutien sous le thème : « Un bateau pour le Vietnam ».   Ce qui permit d’affréter un cargo-caboteur néo-calédonien en navire-hôpital, « Île de lumière ».  François Herbelin, un Breton de vingt-neuf ans, en sera le capitaine.  Il s’agissait de soigner les victimes, sauvées in extremis. Ce passage à la télé avait pour but de récolter des fonds…afin que cette clinique temporelle et flottante puisse assister, durant un mois supplémentaire, les plus de vingt mille boat people agglutinés sur la minuscule île malaise de Poulo Bidong …le temps de terminer la construction en bois de l’hôpital insulaire.
En ce temps des « Trente glorieuses », les pays hôtes avaient organisé, avec d’excellents résultats, l’accueil de ces dizaines de milliers d’immigrants. Ces ressortissants, devenus des citoyens à part entière, contribuèrent très positivement à l’épanouissement des nations qui leur avaient ouvert leur cœur.   Hélas, pour en revenir à cette époque de l’après-guerre au Viêt-Nam, ces eaux extrême-orientales étaient toujours le théâtre de ces drames !  Combien de ces canots ont disparu avec leur cargaison de femmes et enfants ?
Les lois de la mer obligent à porter secours à toute personne en péril ; mais sur ces immenses étendues d’eau à l’infini, rodaient aussi les hors-la-loi (de la mer aussi) qui pillaient et massacraient … sauf les jeunes filles enlevées qui représentaient une certaine valeur pour les bordels.  Pourquoi, à l’instar de Bernard Kouchner et tous ses secouristes n’irais-je pas aussi au secours de l’une ou l’autre famille perdue en Mer de Chine ?   Celui qui sauve une vie, sauve le monde entier, n’est-ce-pas ?
Pour un tel projet, il me fallait un bateau capable d’une plus grande autonomie que celle des quatre cents miles du Coloba.  En Méditerranée, cette distance est appréciable, mais insuffisante pour traverser l’Océan Indien.  Un voilier hauturier ferait l’affaire pour y amener une équipe de volontaires qui auraient souhaité se joindre au projet. À quai, côté bâbord du Coloba, un catamaran Solaris de 12 mètres attendait un nouvel acquéreur, peut-être celui de Coluche qui venait de nous quitter.    Triste destin pour le comédien, humoriste, humaniste : avoir un bateau et préférer cette moto fatale, plutôt que naviguer comme Antoine!   L’amour de l’un pour les petites gens valait bien celui de l’autre pour les grands espaces.   Avec du recul, aujourd’hui, nous constatons que la mort n’a pas mis fin à ses projets.  Bien au contraire !  Ah, ces artistes prophètes envoyés des cieux !  Ce genre de voilier à deux coques, d’élégance douteuse, ne m’attirait pas particulièrement.  Du fait de sa proximité, j’ai eu l’occasion de le visiter et fus franchement impressionné par son espace convivial.  Je voyais déjà où poser la machine à écrire*... et finalement pourquoi pas ?  Son prix était intéressant.

*C’était ma période d‘addiction à l’écriture.  Une véritable fièvre !  Après nos dernières vacances ensemble sur la Côte d’Azur, sans moi, mon épouse était repartie avec Laurent et Barbara pour la rentrée scolaire.   Cette fois, celle-ci aurait un autre goût : leurs parents se séparaient.  Pour faire face à cette solitude soudaine, en cette fin d’été 1987, je m’étais mis à noter tout ce qui me passait par la tête. 
Il me semble tant que la plaie de la rupture n’est pas cicatrisée, les conjoints ont besoin de se parler, ne serait-ce que pour se rassurer quant à leur avenir respectif.   Conversation téléphonique en général.  Et, bonjour la facture de la régie !  Avant tout les enfants… mais, il y a aussi les biens à se partager.  Hélène gardait la maison, la Rolls décapotable, moi le bateau et… mon vélo.   C’était clair, même avec plus de mille kilomètres entre nous pour lui faire part de mes intentions.   Elle m’interrompit tout de suite.
-   D’accord, mais les côtes vietnamiennes ne sont pas des endroits aussi paisibles que la Ligure ou la Côte d’Azur.   Trouve au moins un marin qui connaît ces régions.
-  Ce n’est tout de même pas ici à la Côte d’Azur parmi ces jolis thorax que je vais trouver un François Herbelin (dixit : le capitaine d’Île de lumière)!   Un skipper avec une telle expérience ne traîne pas dans ces ports de plaisance, et il faudrait qu’il soit aussi fou que moi pour ce genre de périple.
-    Méfie-toi des mythomanes… les fabulateurs, en ce qui concerne les horizons lointains, ne doivent pas manquer.
- Mais ils nous ont tout de même fait rêver.  Depuis les récits d’un Marco Polo jusqu’aux livres d’Henri de Monfreid et Jacques London ont tout de même suscité des vocations d’aventuriers sur toutes les mers du globe.
- Tu parles d’une époque révolue. Les rêves aujourd’hui prennent forme en parcourant les catalogues des agences de voyage.
Trop fraîche cette rupture sans doute pour déjà laisser place à l’indifférence au destin de l’autre.  Elle semblait s’inquiéter vraiment du projet qui me tenait à cœur.   Était-ce la douleur de cette cassure qui m’aveuglait au point de me lancer un tel défi ?   Chercher ces boat people qui s’aventuraient sur l’Océan Indien…peut-être quelques vies à sauver.  Oui, Bernard Kouchner, par le jeu des médias, avait réussi à me sensibiliser.
Ce n’est pas que je voulais en rajouter à ces témoignages diffusés en France et en Belgique.
 Déjà à l’époque, avec la guitare, j’avais commencé à fredonner une mélodie, inspirée de « Madame Butterfly » de G. Puccini.  Je me rappelais cette scène où notre héroïne contemple la mer scrutant l’horizon, espérant voir au loin les voiles du vaisseau de son beau capitaine revenant vers elle :
« …Sur la mer calmée… »

  Enfant, je ne me lassais pas d’entendre ma mère, chanter ce passage, tenant son ventre pour rassurer, Paul, le prochain bébé qui gesticulait de bonheur sans doute, au son de la voix soprano, en duo avec le violon de papa.  Par ses mimiques, imitant à l’archet le chant du rossignol ou du canari, nous éclations de rire.   De notre fratrie, le cadet est celui qui a le plus l’oreille musicale.   Il choisit la percussion.  Curieux paradoxe !  Lui, qui est né au début des années 50 dans la douceur des mélodies, avant le rock, est attiré par des rythmes plutôt endiablés.  Moi, qui naquis sous les bombardements et le martèlement des bottes nazies, j’aime les complaintes douces à la guitare ou au piano, même si les scènes ne sont pas toujours très réjouissantes, comme ce tableau :

« …/ Les flots tumultueux ne sont pas les seuls ennemis.
Séquelles des guerres du Vietnam : des pirates thaïs.
Oui, l’océan et les hommes se partagent les corps ;
Le commerce des femmes va bon train dans les ports. /… »

D'accord, ces bateaux à la dérive dans l’Océan Indien étaient loin de l’Europe.  N’avions-nous pas subi notre lot de drames : 14-18, le génocide arménien, la guerre d’Espagne, peinte dans son extrême violence sous le nom de Guernica par Picasso ; la Shoah, dont on voit bien qu’après soixante-dix ans les juifs sont toujours sous le choc ?  Aujourd’hui, trente ans après cette conversation téléphonique avec Hélène, j’assiste impuissant, à ce même phénomène en Méditerranée : des populations fuyant des États en guerre et corrompus, où l’injustice, la dictature et la cruauté règnent en maître.  Ils s’entassent en surnombre dans des embarcations plus que douteuses.

À qui profite le crime ?  Marchands et fabricants d’armes ou de canots pneumatiques, comme cette consule honoraire commerçante à Bodrum en Turquie (qui bien sûr sera destituée par son pays : la France scandalisée !), spéculations boursières, actualité médiatique, passeurs d’hommes.  Hélas, au patrimoine génétique de l’humanité, il faut aussi compter avec l’opportunisme mafieux !    Est-ce un mal nécessaire pour que triomphe le bien ?

(à demain…)

mardi 19 février 2019


Comme toute médaille a son revers

Normalement, grâce à la médaille de bronze qui permit des rencontres intéressantes pendant cette foire internationale -  entre autres le directeur de Texas Instrument à Biot qui me proposa de lui rendre visite à Sofia-Antipolis - , ce Phosomètre semblait promu à un avenir prometteur.   

Pour reprendre fidèlement l’esprit du titre de cet ouvrage, j’avais tout faux.
 En effet, naïvement, j’avais cru que mon rôle d’inventeur (ou géniteur), se cantonnait uniquement à ce Salon avec, en prime, l’interview de France Info et que la suite devait se concrétiser, pour la partie commerciale, par Hélène (très femme d’affaires, qui avait repris du poil de la bête avec son médecin à domicile et de surcroît, je lui avais donné toutes les actions de mes anciennes sociétés et disposait donc de ressources suffisantes) et, pour la partie scientifique et technique, par le bon Dr. Michel. 
 Je leur remis la mallette dans laquelle étaient glissés, en plus du diplôme « Médaille de bronze",  mes notes avec les coordonnées des différents contacts (Industriels,  fabricants de montre, etc.),  ne pouvant résister à l’appel du Large et de la chanson.    Hélas !,   j’ai pu constater lors d’un retour de mes îles lointaines que ce porte-documents gisait toujours au même endroit, couvert de poussières près de la cheminée,  où je l’avais déposé deux ans auparavant.  Que pouvais-je dire ?   J’étais devenu minoritaire dans ce partenariat de trois.  Le toubib s’était lancé dans la recherche sur le Sida.  Ce Phosomètre était le moindre de ses soucis. Homme maladivement jaloux, j’ai la faiblesse de croire qu’il pouvait penser que cette invention risquait de redorer mon blason aux yeux d’Hélène, en cas de réussite.
 Pour rappel,  elle n'avait pas adhéré du tout à mes visions quant à la question d'orienter nos restos de cuisines  françaises et belges par des formules basées sur le végétarisme et du cru.  Inconsciemment,  je risquai de devenir l'imprécateur de mes entreprises, et par sagesse  je démissionnai.  Par contre,    j'avais tenté l'expérience à Paris en 1988 sous l'enseigne "Pacific Fruit|&Music" avec comme maxime:


 " Manger du fruit c'est génial! 
 L'aliment originel contribue à la symbiose de l'Homme et la Nature;
 Régente de l'action positive" 

Malheureusement,    dépendant du bon vouloir de celle à qui j'avais tout donné, en moins d'un an,  il m'a fallu déposer le bilan. 

Oui,  naïvement, je lui avais annoncé qu'une certaine Rosy était entrée dans ma nouvelle vie.  Sosie d'Élisabeth Taylor,  cela ne l'avait pas empêcher d'être sociologue et conseillère de Madame Mitterrand,  première dame de France.  La réponse d'Hélène au téléphone fut sans équivoque :
"- Alors débrouille-toi avec ta Rosy!"...
et les fonds nécessaires pour amener mon projet  à  terme furent instantanément supprimés. 

Mes ancien restos également commencèrent à vaciller et là non plus je n’avais plus le droit à la parole.   
Impossible d’ouvrir les yeux de mon ex-épouse pour qu’elle comprenne le danger d’être trop à l’écoute de son nouveau compagnon qui n’avait aucun feeling pour la restauration - même traditionnelle -… Alors, elle sortait ses griffes.  Les manipulateurs savent comment garder leurs proies … – car on est bien d’accord, il s’agit bien d’un abus de faiblesse, de l’emprise d’un médecin sur sa patiente qui lui soufflait de temps en temps : «  - Je sais que tu aimes encore Georges,  mais n’oublie pas qu’avec lui tu risques de mourir !!!»

Mais au fond, il avait peut-être raison le thérapeute vu qu’Hélène vivra trente ans de plus que les trois ans qu’annonçait l’oncologue de Bordet, lorsque nous étions ensemble ! 

 -  Moi aussi, je fus victime de ce genre d’envoûtement : celle d’un marin qui, c’est le cas de le dire, me mènera en bateau jusqu’à la destruction du navire.    Finalement, quasiment ruiné, j’irai   chanter avec la guitare sur les terrasses de la Côte d’Azur; ce n'était pas nouveau: vers mes vingt ans,  en été,  je m'y étais déjà exercé,  avec un certain succès.  D'ailleurs,  la chanson le « Paumé  aventurier » qui suit, est une véritable confession ... j’avais bien oublié mes bottes Santiag en quittant Paris en 1989.

 « /…J’ai quitté Paris oubliant mes souliers
J’ai très vite compris que je suis un paumé… / ...


…/… mon air de paumé
Ont dû s’apercevoir par des anciens bagnards*
Je me suis bien fait avoir par ces aventuriers…/… »


*Oui, Jean-Louis Buclain …Et fier d’en être!


Le paumé






Le Paumé aventurier  


Trompette et clarinette : Willy Vandewael
Piano : Rudy Meynaert
Guitare:  Roland Kert
Drums:  Bob Darch
Arrangements et Basse:  Alan Booth

Je suis un paumé, j’ai quitté Paris,
Et je suis parti oubliant mes souliers
J’ai très vite compris que je suis un paumé…un paumé

Car figurez-vous que mes pieds trop mous
N’ont pas résisté au premier petit trou
Je suis un paumé, pas un aventurier.
  Moi l’aventurier!

Je suis un paumé, pas un aventurier
On me l’avait bien dit
De ne pas quitter Paris

Et moi le bourgeois, d’un timide pas
J’ai emmené ma croix sur le dos de ma foi
En cherchant le bonheur,
J’étais tout en sueur. 
 Moi l’aventurier!

J’allais bien me nourrir de ciel et d’amour ; 
Oubliant l’estomac,  plus de problème de foie.
Mais au premier Carrefour,
  Je craquai pour des p’tits fours.
Moi l’aventurier !

Je suis un gourmand, pas un aventurier
On me l’avait bien dit 
  De ne pas quitter Paris

De belles phrases à l’envers,  me prenant pour Voltaire
Et c’est en globe-trotters que je fis le tour de la terre
Je n’ai pas eu très peur :
La « Diners » près du cœur.
Moi l’aventurier! 

J’ai voulu faire du stop,  mais pour lever la main
Il y avait tout qui se bloque.  J’ai pris le premier train,
Aidé par un porteur.  
J’avais comme des raideurs.
Moi l’aventurier!

Je suis trop bloqué pour être aventurier
On me l’avait bien dit
De ne pas quitter Paris

Prônant la Vérité, rejetant la Société, 
Mais c’est mon contrôleur qui me faisait très peur.
Et pour fuir les impôts,
J’étais Marco Polo.
Moi l’aventurier!

Mon peu d’argent au « noir », et mon air de paumé
Ont dû s’apercevoir par des anciens bagnards
Je me suis bien fait avoir par ces aventuriers.
Moi l’aventurier !

Je suis un fauché, pas un aventurier.
On me l’avait bien dit
De ne pas quitter Paris.

Et quand enfin plus rien, n’ayant plus de moyens, 
Que j’ai dû chercher simplement à manger,
Il a fallu que j’aille chercher du travail.  Aïe aïe aïe!

Et soudain mon cerveau a repris sa fonction.
Je n’ai plus eu besoin de tous ces grands malins.
Pour mener ma vie d’homme, il ne fallait que moi,
Sans d’autres personnes.  

La guitare ou banjo, la manche dans les bistrots
Et je rêve ici des filles à   Paris 
 Ici  aux Antilles  

  Moi l’aventurier.