mercredi 30 juin 2021

 J’m’en fous

 

Mais de tout alors.

Fin de vie, de projets, d’être avec…

Oui, je m’en fous d’un devenir, d’un progrès, d’une complicité, d’une suite !

J’y avais cru pourtant…apporter ma goutte d’eau, ou plutôt ma goutte d’huile, pour ce rouage des bonnes volontés.  Et il y en a.  Des intelligences, des génies, des chanceux, des courageux, des travailleurs athlétiques forcenés, des super doués, des nés au bon endroit- au bon moment, des qui s’adaptent, des qui se maintiennent, des mystiques heureux, des reconnus, des ceux qu’on aime, des utiles, des bourrés de talent, des beaux, des philosophes, des savants, des bons, des gentils, des amoureux, des perspicaces, des qui nous amusent, des qui nous font oublier, des qui nous construisent…mais ce n’était pas moi.

Je l’ai dit : j’m’en fous, même de la mort.  

 

Mais pas de Toi,

Qui viens de m’annoncer quelques soucis à ta vessie ; qui décides avec ta compagne d’arrêter de fumer ; que vous hésitiez à passer par le Luxembourg, parce que les cigarettes sont nettement moins chères qu’en France pour passer vos vacances dans le Midi.  Ne serait-ce que le prix qui vous ferait stopper ? Non évidemment... puisque vous commencer à en prendre conscience par ce dilemme. Te souviens-tu de cet air de country « Quoi tu fumes encore ! (Qui s’adressait qu’à moi, me regardant face au miroir de la salle de bain, un matin au réveil qui suivait une soirée très enfumée entre amis, alors que quelques jours auparavant, j’avais décidé d’arrêter.) ...Chanson qui se clôturait par : 

 

.../...Et quand tu feras face pour ta dernière grimace

 à l’homme en blanc hésitant

Sur tes poumons puants, il cèdera vite le pas

Au Diable ton trépas, qui se frottant les mains

Ricanera ce refrain : « Hé Hé ! Mon enfer prospère

Grâce à tous ces corps, secs comme du bois mort...

C’est mieux que leurs guerres pour répandre mon feu ! »

Mais d’après le Bon Dieu, cette chanson-là risque de faire un tabac !

 

 

 

En tout cas, cela fut bénéfique pour moi.  Aussi, de ce fait, pensant à son efficacité, voulant la faire partager parmi les grands fumeurs, j’envoyai d’abord à la Fondation Anticancer, où une éminente et savante voix féminine responsable de la collecte des fonds -- sans doute que seul l’argent puisse régler le problème ? -- me rapporta qu’après la délibération en Comité, ils considérèrent que mes termes étaient trop morbides (mollesse oblige ?), quant au Ministère de la Santé, ils se contentèrent de me remercier sans plus.   Enfin, c’était il y a vingt ans, et tu vois, cette chanson n’a toujours pas fait un tabac !

 

In fine, je m’en contrefous...Mais pas de Toi !  


mercredi 23 juin 2021

 

Avant mon départ de Corse

 

Courriel d’adieu à ma très chère voisine, prof d'anglais à Bastia,  arrière-petite-nièce de Winston Churchill qui m’apporta la veille un extrait (d’un journal culturel) d’une conversation du philosophe Denis Lafay *qui a eu l’idée heureuse de réunir deux esprits libres et indépendants, Edgar Morin et Pierre Rabhi, et de les faires débattre à bâtons rompus sur le monde, le temps qui va, la crise sanitaire... 

 * "Frères d'âme", édition de l'Aube. 

Ah chère Florence !

 

Encore un grand merci...cette dernière attention, suite à ce léger différend avec le président de Vicciolaja concernant le fait que mes chiens courent dans ce hameau privé et laissent parfois leurs traces chez les voisins...il a parfaitement raison, c'est son rôle et ce n'est certainement pas facile.  Bien sûr qu'il y a de l’exagération !  Il n'y a évidemment pas que mes chiens.  J'oublie cet incident sans conséquence, sauf qu'il est bénéfique pour moi par ce petit texte que tu viens de me remettre.  Je vois que tu as souligné quelques passages que tu souhaites sans doute m'apporter du baume au cœur du fait du grand écart de nos âges respectifs.  Oui de t'avoir rencontré, je partirai plus jeune, comme un amoureux qui n'a que vingt ans.

 

Que d'amour en Toi  

lundi 21 juin 2021

 

Épilogue

 

Voilà ! Je continue, mais ce sera pour faire vite …car se profile la fin de cette histoire. Merci pour ceux qui m’ont fait l’honneur de suivre mon blog ; sorry pour les autres que j’ai irrité en leur envoyant mes messages.  On ne peut pas plaire à tout le monde.  Chacun ses opinions, sa famille, son clan ; bien qu’il faille admettre que notre psyché s’est en partie forgée sous l’influence du milieu dans lequel nous vivons...et puis, il y a des hasards qui viennent tout chambouler !     D’après les neuropsychiatres, on aurait tous des cerveaux ayant les mêmes caractéristiques.  Hitler ou le Pape François aucune différence.  Alors pourquoi ?   Le Paradis ou l’Enfer ?   Juste que ce dernier, tout le monde (ou presque) sait qu’il est pavé de bonnes intentions.

-          --- Alors et alors ces restaurants que tu abandonnas pour des raisons existentielles.  Laisse-moi rire !   T’as lâché la proie pour l’ombre.  Parce que tu composas « Un Homme, c’est naturellement bon » - Résultat de ta psyché crudivoriste ?  Baliverne !  Tu ne vois même pas que ta femme t’appelle à l’aide...Elle s’inquiète de ton délire avec ta guitare.  Hélène te supplie...elle a besoin d’être prise en charge (où répondra un certain toubib ayant remarqué ta Rolls et tes Jaguars...pas que ses beaux yeux !) …Et toi, pauvre idiot, tu crois avoir décroché le Graal …tu te vois déjà, comme le chantait Aznavour, « en haut de l’affiche en dix fois plus grand que n’importe qui ». Aujourd’hui où es tu ?  Chanteur inconnu qui avait tout (l’argent et les bons musiciens)…pour ne pas réussir. Yves Montand se trompait quand il te téléphona en janvier 1991 pour t’encourager de ne pas abandonner, sous prétexte que tu avais du talent ; pas Martine, ton ex, après Hélène, qui avant de vous séparer te lança : « Si t’avais du talent, cela se saurait ! »     T’as même plus de bateau.  Tu sais, ce fameux voilier hauturier qui remplaça en 1987 ton motor-yacht pour aller secourir les Boat people qui fuyaient les Khmers Rouges et se perdaient dans l’Océan Indien.  Encore une idée loufoque dont profitera ce Jean-Louis, ce marin pirate qui te manipulera au point que tu ne saches plus comment tenir un cap.    Un alcolo- toxico, voleur et pervers narcissique et en plus violent avec les femmes qu’il engrossait et qui s’enfuiront toutes avec leur bébé...Et tu continuais à le garder.       Enfin, revenons à tes débuts.  Je t’écoute. 

-          

-        --- Tu as mille fois raison.  L’erreur de ma vie avoir cru dans cette chanson en 1987...que nous venions de franchir la barre des cinq milliards de Sapiens.

Un Homme c’est naturellement bon

Évidemment, depuis Internet,  la lettre a évidemment gagné en rapidité.  Presque comme la parole,  les écrits s’envolent.  De ce besoin naturel d’établir des contacts,  véritables passions aveugles qui nous endorment  dans une nuit de rêve, les illusions finissent par  se prendre trop au sérieux.  Heureusement,  avec un minimum de bon sens on retombe sur ses pieds ;  surtout lorsque l’épistolaire discussion se finalise par les échanges verbaux,  deuxième étape de cette chevauchée fantastique des esprits assoiffés à se livrer corps et âme,  atomes isolés qui se veulent restructurer la matière,  de s’apercevoir que l’alchimie des mots ne s’accorde pas toujours.    On retourne à la case départ.   Souvent,  c’est  la solitude.  Mais,  que l’on se rassure : 
 « Seul on est beaucoup plus « naturellement bon »...

Pour réfléchir à ne pas gagner sa vie au détriment du Vivant.

Prenez-en de la graine (à faire germer) mes chers contemporains, industriels, producteurs et  distributeurs.





« un homme c’est naturellement bon » ; 

  Je le chante depuis juin 1987,  l’humanité fêta  alors ses cinq milliards d’individus.
  C’est la chanson qui modifia complètement ma vie qui fait qu’aujourd’hui je te rencontre toi et tous les autres.  

« Un Homme,  c’est naturellement bon ! »
(avec la guitare de Francis Goya)


Un homme c’est naturellement bon
Deux hommes c’est déjà différent
À trois commencent les chuchotements
Quatre hommes peuvent devenir inquiétants
Pourtant un homme c’est naturellement bon
Un homme c’est naturellement bon

Deux hommes c’est déjà différent
À deux ils se prennent pour quelqu’un
Ici,  commence l’anonymat
Qui fait des autres des forçats
Pourtant un homme c’est naturellement bon
À deux,  c’est déjà différent

À trois commencent les chuchotements
Majorités,  minorités,  vous voilà !
Malheur qui transgressera les lois
La force n’est pas dans l’isolement
Un homme seul n’a jamais raison
À trois commencent les chuchotements

Quatre hommes peuvent devenir inquiétants
Le droit exalte les passions
Éclate en combat de mille ans
Ces guerres abattent les sentiments
Ici on tue sans émotions
Des hommes naturellement bons

À cinq* en comptant par milliard
Cinq milliards d’hommes seuls dans le brouillard
Qui cherchent sans trop bien le savoir
La flamme qui redonnera l’espoir
Qu’un homme c’est naturellement bon
Un homme c’est naturellement bon


Mais quand les fléaux de la terre
Surgissent comme des cris de colère
S’éveillent soudain des hommes nouveaux
Des hommes qui feront ce qu’il faut
Ils redeviennent tous solidaires

Ensemble des hommes c’est beau ! 



* crée en 1987,  à cette époque nous étions cinq milliards à peupler la planète

FIN

samedi 19 juin 2021

 

CQFD

 

  Non, à l’époque de ce premier restaurant la Bergerie dans les années 70, je n’avais absolument pas cette vision de conquête, d’ouvrir des succursales les unes après les autres comme une pieuvre tentaculaire à l’affût de nouveaux points d’exploitation.

-         Hélène venait de me donner un fils et notre petite maison tournait à plein rendement, en presque totale autonomie sans que notre présence soit indispensable.  Au fond, le vrai patron d’un restaurant, ce sont les clients !  Tant que ça marchait bien, c’est qu’ils étaient contents, ce qui prouvait l’efficacité de notre organisation.

-          

-         -- Oui mais n’y avait-il pas cet afflux de touristes ?

-          

-         Ah j’attendais cette question très intéressante !  D’abord, il y en avait moins en ces temps-là.   Et de toute façon, un touriste qui passe quelques jours à Bruxelles, s’il est content, non seulement il le renseignera dès son retour à ses amis, avec la forte probabilité qu’il revienne encore au moins une fois durant son séjour.  S’il est déçu... un mauvais repas, sûr qu’on ne le reverra plus jamais.    Il y a des études aussi qui établissent qu’un mécontent le dira à onze personnes...Par contre, une seule sera renseignée, s’il fut ravi. (Eh oui, les épicuriens se gardent les bonnes adresses !)

  La Bergerie, c’était la bonne idée, au bon endroit, au bon moment.  Une illumination dans le ferry qui, Hélène, ses deux enfants et moi, nous ramenait vers Brindisi en Italie de Corfou où nous avions passé nos vacances d’été 69.  Le village du Club Med, composé d’huttes en paille (à l’origine de son succès, avec déjà les tables de huit et ses buffets et vins à volonté), avait aussi implanté sur la hauteur du site quelques tables où des rares initiés pouvaient apprécier des brochettes d’agneau du barbecue qu’un   gentil organisateur (GO) grillardin préparait.  Ce n’était pas la bouffe à profusion de la foule du réfectoire plus en aval, mais un lieu nettement plus poétique, surtout qu’il s’agissait d’une ancienne bergerie.   Merci Club Med, merci Corfou !   

-          . Ma femme, qui est au début de sa grossesse, n’appréciait pas trop ce nom d’enseigne.  Elle faisait référence à la rue du Berger du Haut de la ville où deux hôtels étaient connus pour accueillir l’après-midi des amants coquins.  (Tiens, c’est curieux !  Elle connaissait ... des souvenirs ?) 

-         Mais, je maintiendrai ce patronyme...Oui, je dis patronyme à bon escient.  L’idée du père, de la patrie, de notre sécurité !  Plaisir aussi de notre travail qui se limitait à veiller la journée (le resto n’ouvre que le soir) à la propreté, que tout aille bien, aux approvisionnements et à l’administration (la caisse, la banque et les salaires).  Bien sûr qu’il aurait été idiot de ne pas nous entourer de gens compétents et avenants pour la cuisine et la salle.  Question évidemment de bien les rémunérer.   Que demandions nous de plus au Bon Dieu ?

  Bonheur, bonheur !  Nous disposions du temps précieux d’être pratiquement toujours ensemble, pour les loisirs, occupations culturelles, la lecture, les théâtres, le sport entre amis, les vacances scolaires avec les enfants, les voyages, les musées.  Oui, je jouissais, contrairement à cette profession antifamille, à vivre comme un fonctionnaire, relativement bien rémunéré…  Et voilà que Mlle Platsier, respectable sexagénaire, propriétaire du 26 Petite rue des Bouchers, à mon insu, alors que je lui avais proposé de racheter son immeuble, le vend à un certain Eddy Van Deweghe (Si elle savait ce qu’elle a perdu à ne pas signer avec moi : au moins le double que je lui aurais offert...  Tiens, j’aurais dû aller lui dire… et qu’elle s’en morde les doigts ! )   Manipulée sans doute, mais d’accord, c’est de bonne guerre, les affaires, sont les affaires !  L’acquéreur - venu sans doute avec un bouquet de fleurs et un ballotin de praline ou une invitation au restaurant, un peu de champagne et du bon vin - , ce galant quinquagénaire  avait obtenu cet immeuble en viager à un prix ridicule.   Pour un loup à l’affût quoi de mieux qu’une petite Bergerie !  Je précise, ce n’est pas au figuré, il est réellement marchand de tapis, installé près de la Porte-de Namur, où travaille comme vendeuse la compagne de Tony, notre chef de salle, que nous considérions comme un véritable ami.  Je ne dois  pas vous faire un dessin. Donc, sans le savoir, nous avions un autre   loup dans notre Bergerie !   Eddy invoquera l’occupation personnel en tant que nouveau propriétaire, sans pouvoir exercer le même commerce, pendant une période de deux ans… C’est la loi pour ne pas dédommager et profiter du commerçant sortant.  La Petite rue des Bouchers est en plein essor et le 26 est certainement l’un des meilleurs emplacements, juste en face du théâtre de Toon (les marionnettes) dans l’Impasse Schudeveld.  Nous voilà brusquement confrontés à un avenir bien incertain.

  Presqu’en face, Albert, le patron de la Petite Provence au numéro 25 – Anna, son épouse, avait remplacé ma mère quand elle quitta le Mouton d’or en 1959 - Le 25 alors avait comme enseigne « La Poule au Pot », tenu par le Père Hubert, un cuisinier complétement alcoolique qui passait plus de temps chez nous au Mouton d’or que s’occuper de son restaurant, qu’il finira par céder à vil prix à ce couple Albert et Anna, ex hôteliers qui avaient quitté Namur suite à leur faillite.  Ils donneront un nouveau nom d’enseigne « La Petite Provence ».  Dixit cette expression de mon père qui les avait encouragés : « Plus il y a de la concurrence, mieux ça marche ! ».  La Petite Provence démarrera aussi sur les chapeaux de roue comme le Mouton d’or.  Il ne manquait pas d’esprit ce nouveau patron dans la Petite rue des Bouchers.  Lui aussi fut l’un des pionniers, comme mon père, au développement du quartier. Oui, à l’époque, dans la Petite rue des Bouchers, les Bruxellois ne venaient pas uniquement parce que c’était bon et pas cher.  C’était l’esprit de ces deux maisons qui régnait dans cette petite rue.    Au Mouton d’or, « Manger portugais dans le plus parisien des restaurants bruxellois » et de concert à la Petite Provence, sur le bar un carton de lessive LUX écrit au marqueur :« Le seul luxe de la maison »... ou encore, sur la vitrine donnant sur la rue, cet avis : « Pour vous donner l’occasion de bien manger le dimanche, le restaurant est fermé ». 

Et le grand Albert qui avait fait marcher son restaurant à fond, faisait partie de ces commerçants en rogne quand, grâce à Monsieur Giscard d’Estaing, fut implantée la TVA dans les pays du Marché Commun.  Il y eut des grèves et des manifestations impressionnantes à Bruxelles au début 70. Enfin, ça n’a pas empêché que la remplaçante des timbres fiscaux (pour soi-disant plus de facilités) s’imposera à l’ancienne garde de ces artisans pas vaccinés contre ce qu’ils considéraient comme un virus de plus en plus gourmand.  Ils parlent entre eux ces gens-là.  Ils ont connu la guerre, l’oppresseur, l’Armistice, la nouvelle entente des peuples...Et ils boivent.   Maintenant, à l’aube de cette nouvelle ère, où le Fisc vient de s’adjoindre son nouveau compagnon d’arme la TVA, ils ont ce sentiment que les envahisseurs sont de retour.  Ce qui ajoutera à la démotivation d’Anna et Albert pour la Petite Provence et, entretemps, deviendront comme leur prédécesseur, le Père Hubert, de plus en plus alcooliques, et laisseront leur affaire entre les mains d’un serveur médiocre.   Ils étaient aussi déçus que ni leur fille, ni leur garçon ne voulaient prendre la relève.   Il m’aimait bien l’Albert.  Il aurait souhaité un fils comme moi.  Voyant mon désarroi de la perte de mon bail dans les deux ou trois ans. Un jour il m’appela pour me remettre avec des facilités de paiement, sa Petite Provence dont, il était propriétaire des murs aussi.  C’était en mai, le dix-sept exactement de l’année 1973. Quelques modifications dans la déco en huit jours et de la carte des menus, et le resto fera un bond en avant, comme du temps de sa gloire, deux décennies auparavant.   Heureusement, j’avais gardé leur super cuisinière, Conchita...une Basque au caractère bien trempé. Elle, juste avec un commis et un plongeur, envoyait sans la moindre bavure, parfois plus de trois cents couverts sur la journée.

 

Hélas, quelques mois plus tard, le grand Albert de Namur, drame des alcooliques, finira par se pendre !  Notre essor, c’est à lui que nous le devons.

Au fond elle a eu raison la vieille demoiselle Platsier, de ne pas me vendre son immeuble.  C’est avec la rage au ventre – oui déjà à l’époque ! – que je me suis juré plus jamais qu’un seul point de vente...et j’y ai pris goût à en créer de plus en plus, en faisant en sorte par prudence, d'en la mesure des possibilités, qu'une société  dont j'avais le contrôle soit propriétaire des murs.

CQFD

 

Ah oui !  Pour ce nouveau restaurant, j’avais aussi ajouté ce slogan, influencé sans aucun doute par cette annonce : 

« Avec la Sabena vous y êtes déjà »

« A la Petite Provence, vous êtes déjà en Vacances ! »

jeudi 17 juin 2021

 

.../...

Les sédentaires gardiens de frontières 
Je ne m’en vais pas pour faire la guerre

Mais regardez comment se meurt 
La Terre entière face à vos murs

Bien sûr qu’il y a des liens très fort  
Qui tiennent l’esprit et le corps

On ne sait pas toujours pourquoi

Mais parfois on quitte tout ça

Ma foi… ma voie !

 

Ma foi, en d’autres termes « échapper à l’emprise du sédentarisme et de ses artifices pas vraiment essentiel ».  Soit, cette chanson, je l’intitulais « Nomade », « Fils du Vent » ou encore, dernièrement, « Départ » qui me paraît le titre le plus adéquat.  Je quittais effectivement un certain confort familial, le superflu du paraître, le résultat de mes faiblesses face aux tentations du Diable, les belles voitures, la vie de château ; mais aussi, ce qui m’en avait donné les moyens :  des entreprises lucratives qui m’avaient permis ces caprices, ces fantaisies, ces regards admirateurs ou soumis des gens de mon entourage.  D’ailleurs, imbu d’arrogance, est-ce que je les voyais seulement ? Est-ce que nous les voyons ?  Oui, nous sommes deux, mon épouse aussi.  Son côté dame patronnesse s’accouplait parfaitement à ma suffisance de dirigeant prétentieux.  D’accord nous occupions près d’une centaine de travailleurs !  Cela nous donnait-il tous les droits ?    Le droit que nos enfants soient élevés par d’autre, vu qu’il n’y ait que les affaires qui préoccupaient leurs parents.  Hélène, lorsque nous nous sommes rencontrés en 1967, était divorcée, mère d’un garçon et d’une fille respectivement de huit et sept ans dont elle assumait la garde (âgée de dix dix-sept ans seulement pour la première naissance – le père n’en avait que dix-neuf).    Suite à notre union, la fratrie s’accroitra d’un deuxième garçon et tardivement (huit années plus tard) de notre cadette. L’arrivée de notre fils en 1970, la décida de renoncer à son bureau d’étude d’architecture pour se consacrer avec moi à l’exploitation de notre premier très petit restaurant : « la Bergerie » qui avait la capacité d’accueillir trente-deux dîneurs en se serrant bien.  Glisser les tables hors de la rangée était le seul moyen de permettre aux dames de s’installer sur la banquette ; mais c’était le charme ! Cette promiscuité d’être si proche du couple d’à côté qui partageait ce moment de détente, ce même lieu, le quasi même repas...entraînait parfois des conversations exaltées sous la douce euphorie du bon vin libérant les contraintes et la parole !  Gargote sympathique avec les moyens du bord pour la créer évidemment !

 

 Cuisine au deuxième étage, toilette unique  sur le palier du premier...à partager, pour la clientèle, avec un vieux couple septuagénaire, Victorine et Valère indélogeables ; un monte-charge de fortune, arraché de l’appartement et du sous-sol de ma belle-mère, qu’elle n’utilisait pas et qui déraillait assez souvent, mais la petite Bergerie se situe au 26 de la Petite rue des Bouchers. Une époque où ce quartier est en plein essor...qui avait commencé en 1958 avec le Mouton d’or de mon père, en face, au 21, qui disait toujours : « Plus il y aura de restaurants, plus ça marchera ». Et il avait mille fois raison. S’implanteront une centaine d’enseignes de toute sorte. Hélas, pas que de bons restos avec des cuistots consciencieux et professionnels qui envahiront le quartier dès les années quatre-vingts.   Adieu cette belle ambiance des débuts prometteurs où le tout Bruxelles accouraient…  Intellectuels, artistes-peintres, célébrités, journalistes !   On visitait la Petite rue des Bouchers pour son folklore, interdite à la circulation des voitures à partir de 18 H. un peu comme   on déambulerait sur la Place du Tertre de la Butte à Montmartre. Hélas, le bel âge d’or de la Petite rue des Bouchers ne dura que vingt ans !  Le racolage, la malbouffe, les additions exorbitantes dans lesquelles tombaient les visiteurs de la Grand-Place obligea l’Office du Tourisme, et de nombreux journalistes à jeter l’anathème sur ce quartier.   Enfin, deux décennies auparavant, grâce à mon père, j’avais été à bonne école pour ce métier.  Et, ce qui nous porta chance, la Bergerie accueillera ses premiers clients le soir du 24 décembre 1969 à la veillée de Noël. 

 

-      -  Et puis vous vous êtes lancés dans le lancement de dizaines de brasseries-restaurants ?

-       

-       - Non pas tout de suite.  Notre petite affaire tournait à près de cent couverts tous les soirs de 18 h. à 2 H du matin, ce qui permettait trois rotations de clients. Les six collaborateurs (trois en cuisine et trois en salle) étaient assez bien motivés (ce qui permettait de m’absenter de plus en plus souvent) car cette formule ne les obligeait pas à des prestations avec des coupures l’après-midi, - un des points faibles de ce métier qui décourageait aussi bien les serveurs que les cuisiniers adeptes d’une vie de famille. - Le fait de servir jusqu’à 2 H du matin, nous récupérions les dîneurs tardifs après spectacles. Sans fausse modestie, dans la Petite rue des Bouchers, la Bergerie attirera tout un temps la clientèle bruxelloise et des alentours mais aussi que son véritable succès était l’envoûtement, pour ce petit sanctuaire du bien manger, des fonctionnaires étrangers travaillant à l’Euratom et au Marché Commun, précurseur de l’UE (principalement des Suédois – ils s’étaient donnés le mot et s’était toujours leur joie lorsqu’ils se retrouvaient par hasard au même endroit).

-      Et alors, et alors ...d’autres restos sont arrivés hé hé hé hé !  Le grand Jojo avec son magot... ?

-      Non Monsieur, vous n’y êtes pas du tout.  Mais il se fait tard.  Nous reprendrons cela une autre fois...Bonsoir.  

dimanche 13 juin 2021

 

Le Bout du Tunnel

Par un curieux lapsus (d’ailleurs ne le sont-ils pas presque toujours :  curieux ?  Ce qui donneraient des indices à ton psychanalyste...ou à toi-même en te relisant ; que tu t’aperçois avoir placé en entête d’un précédent texte « Rebondissement », alors que soucieux de maintenir le fil d’Ariane de ton blog, le titre aurait dû s’intituler « Aboutissement »).  Aboutissement, car effectivement, la boucle est presque bouclée de cette narration autobiographique, parsemée de chansons, à laquelle tu t’y es attelé depuis plus de deux ans.  Rebondissement ?  Pourquoi pas ?  L’un donnant un flux d’énergie à l’autre comme une pulsion, un ressort se déployant.  Le bout de ce long tunnel apparaîtrait enfin ! 

-          Mais fais gaffe Georges, la lumière peut être aveuglante, sois prudent !

-             Je dis deux ans pour ce périple, mais ce serait plus d’un quart de siècle !

  Pour rappel,

 À l’Origine de pourquoi un patron de plusieurs restaurants en plein essor démissionnera...abandonnant sa famille et tous ses biens...Pourquoi ?  

Au milieu des années quatre-vingts, drame ! Le rapport médical alarmant de l’Institut Bordet pour Hélène, mon épouse !  D’après l’oncologue : « .../...deux à trois ans, à moins d’éliminer la cause... », ajouta la thérapeute.  Pourtant, nous formons un couple heureux en ménage, grâce aussi à nos enfants : un adolescent de quatorze et une mignonne petite fille de huit ans. Nos affaires, principalement des restaurants, tournent rondement et nous permettent les extravagances d’une vie bourgeoise relativement insouciante jusqu’à cet après-midi d’octobre où la mère (44 ans) de mes enfants revient en pleurs du cabinet médical m’annonçant en larmes de ses beaux yeux d’émeraude dont j’ai toujours été amoureux, le verdict :  Une septicémie pouvant tourner en leucémie, mais où je retiens : « à moins d’éliminer la cause ».     La cause, la cause !  D’abord l’effondrement...mais il ne me faudra pas des lunes avant qu’une certaine rage m’emporte.   Dès lors, tel un limier explorant la moindre piste, je dévore des ouvrages médicaux qui me feront remonter jusqu’à Hippocrate (l'une des premières règles que les étudiants en première année de médecine  apprennent: « trouver la cause »,  que prônait leur boss  antique) ; qui me mèneront aussi aux rapports scientifiques des plus récents.  Une remarque me frappa plus particulièrement. Celle tirée d’un ouvrage écrit par un médecin : « Que la santé est une affaire trop sérieuse que pour la confier qu’aux seuls médecins » (je constaterai plus tard qu’il n’était pas le seul membre de sa profession à émettre cette idée).  Pascal (de l'Institut...pas les Pensées de l'Autre qu'on étudie en philosophie dans  les lycées ) en est un des plus évidents exemples.  

-         Ah, c’est ça ta rage !  T’avais pas été vacciné ?

-          Effectivement,  pas vacciné contre ce mauvais sort qui venait frapper notre famille où tout semblait nous réussir. D’ailleurs les symptômes commençaient à apparaître.  Tout ce savoir brusquement entassé dans ma petite tête,  pour lequel je ne suis pas vraiment armé.  Mes neurones partent dans tous les sens, débridés.  Si tu veux comprendre, tu commences par lire Utopia de Thomas More et ensuite l’éloge de la Folie d’Erasme, son grand copain.   Je tire mes propres conclusions.  Des lois de la Physique, de la Biologie, les comportements des pré-Sapiens depuis la Guerre du Feu, les citoyens d’aujourd’hui, ceux qui vivent dans les contrées froides, les autres où c’est torride...que delà m’était venu l’idée du Phosomètre, que le 19ième Salon des Inventions et Technique nouvelles de Genève me décerna une médaille de bronze en avril 1991... Et le pire, c’est que je me suis mis à ne plus cuire mes aliments, je deviens, dès 1986, un « Instincto », endoctriné par un certain Guy-Claude Burger, physicien suisse, établi dans la ferme-château de Montramé à Soisy-Bouy, près de Provins, l’auteur d’un livre « La Guerre du Cru ».

-          Toujours à la recherche des fameuses causes, un petit libraire de marché bio à Paris m’avait conseillé ce bouquin qui fut un déclic.  C’était tellement évident que je me rendrai chez ce gourou, comme la presse à scandale le traita par la suite.  Ce savant sera condamné à quinze années de prison ferme par le Tribunal de Provins pour acte de pédophilie, exercice illégale de la médecine, avec l’interdiction de communiquer à plus de trois personnes à la fois.   Pour la pédophilie, je n’avais rien remarqué, je sais juste qu’il voulait comprendre les pulsions infantiles...qu’il en avait écrit cet autre essai « Les Enfants du crime » Quant à la médecine, il avait toujours précisé qu’il n’était pas médecin et qu’il s’entourait d'eux pour suivre les curistes malades. Tristesse et honte sur ces thérapeutes qui n'ont pas témoigné au Procès! (Ou peut-être que l'accusation bien organisée avait réussi à les débouter avec cette ombre menaçante qu'ils soient exclus de l'Ordre des médecins.)


Personnellement j’y avais conduit, en phase terminal, un certain Jean Floridor, ex commandant des ferrys faisant la navette entre Ostende et l’Angleterre. Il devait mourir dans la huitaine d’après l’hôpital. 
 Avant de continuer, je me dois d’abord de certaines précisions.  Hélène et moi sommes séparés depuis peu.  On s’était dit que parmi les causes, qui sait, si ce n’était pas notre couple le grand responsable de sa maladie. C’est une femme de caractère, mais pour les questions des affaires, c’est moi qui décide en final.  Elle en souffrait peut-être...et je n’avais pas spécialement toujours raison. Sur un autre point, elle est très jalouse , et j’avoue avoir eu quelques faiblesses à une époque bien que cela ne se produisait plus. Oui, nous avions eu notre crise en 1981. Vers mes trente-neuf ans (elle en avait quarante-et-un).     En fait,  brusquement un ras-le-bol de nos disputes continuelles… trop de pressions et j'aspirais à une  autre vie.  En lui annonçant fermement la quitter et faire un partage équitable de nos avoirs,    son visage se décomposa tellement, me rendant compte du  mal que j'infligeais à la mère de nos deux enfants, que finalement je changeai d'avis. Dès lors tout s'est remis mieux encore qu'à notre mariage. Plus jamais de disputes.  Notre amour avait repris sa  place prioritaire. Plus que du bonheur et de l'harmonie dans notre famille pendant les cinq  années suivantes, jusqu'à ces examens médicaux de la clinique Bordet.  
 C'était  mon point de vue, mais était-ce le sien? Ne faisait-elle pas trop d'efforts sur elle-même, au détriment de sa personnalité propre qui la rongeait intérieurement? Ne serait-ce pas là, la cause?   Il faut tout essayer, avant tout pour les enfants. Pas question d'en faire deux orphelins privés de leur mère!  Le cancer peut provenir de l'amertume qui s'installe doucement.   L'issue fatale est parfois  inconsciemment souhaitée par l'un ou l'autre conjoint . 
      Aussi, nous avions décidé de nous éloigner l’un de l’autre pour une période de six mois pour voir l'évolution de la maladie.  Je séjournerais sur le  bateau ancré au Port Vauban à Antibes avec ma guitare et composais des chansons.  Il valait mieux m'éloigner aussi de la gestion des restaurants car je risquais, par mes nouvelles idées, de devenir une sorte d'imprécateur.  Pourquoi pas des restaurants végétariens dans la Petite rue des Bouchers aurais-je lancé quelquefois dans nos discussions, ce qui l'inquiétait.     Entretemps, l’oncologue de Bordet, la Doctoresse Henri avait recommandé un certain confrère généraliste, un ex kiné qui avait repris ses études,  le Dr.  Michel V. pour suivre mon épouse.  Ce thérapeute, dix ans plus jeune que ma légitime épouse, tombera amoureux.  In fine, n’était-ce pas ce qu’il y avait de mieux pour ma femme après tout ?  Surtout qu’elle n’est pas décidée de me suivre dans ma nouvelle façon de me nourrir.

-          J’en reviens à ce commandant Jean Floridor.   

-          Un soir de 1990, à mon grand étonnement, car ça n’a jamais été le grand amour, ma belle-mère, me téléphona de Mariakerke,  faubourg de et à l'Ouest d'Ostende.  Elle occupait à l’année un appartement sur la digue. Au courant de ma nouvelle façon de vivre, à savoir « Instincto », elle   me pria de venir voir le mari de son amie qui va très mal.  Comme j’étais justement à Bruxelles* pour quelques jours chez ma mère, le lendemain, il ne me fallait pas beaucoup plus d’une heure pour rejoindre la Côte. 

*Ayant vendu le motor-yacht, le Coloba, amarré à Antibes en vue d'acquérir un voilier hauturier, je résidais habituellement dans un charmant pavillon à l'ouest de Paris à Le Peck près de Versailles  dans les Yvelines.   L'Ouest parce que plus près de l'Atlantique et ne pas devoir traverser Paris quand, en urgence, mes besoins d'air salin  se faisaient pressants;  et aussi  d'avoir créé  "Le Pacific fruits§music", au 8 rue Brantôme dans le 4e Arrondissement.  Nouvelle formule de restaurant avec ce slogan affiché sur le fond du  décor,  style  cabanon  haïtien : 

"Manger du fruit c'est génial!  L'aliment originel engendre la communion des Êtres; contribue à la symbiose de l'homme et de la nature, Régente de l'action positive"

J'avais tort, mais c'est plus fort que moi, il a fallu encore une fois - était-ce la cinquantième ou la soixantième ouverture,  le  8/8/ ..88? .-   Succès ce premier jour d'inauguration (défilé de mode d'une jeune styliste liégeoise, je chante sur la scène face à + de 600 personnes: des Parisiens, des amis, des curieux, des profiteurs (cocktails offerts) et...le service de l'Ordre pour m'annoncer qu'il me fallait des autorisations de la Préfecture pour produire de la musique en life.  Je m'empresserai le lendemain de courir à Versailles faire ma demande. Tout le caractère de ce resto-cabaret était fondé , bien sûr sur une alimentions  à base de fruits, mais aussi et surtout en y joignant ce folklore de musiciens  antillais. Le charme étant rompu, après trois mois d'attente, par manque de trésorerie, il me faudra licencier les neuf collaborateurs;  confier les clés à une agence immobilière pour céder le fond  de commerce et  le bail ; quand, juste à ce moment là, un policier m'apporta ces fameuses autorisations , un après-midi de novembre 1988. 

"-  Merci Monsieur l'agent je n'en ai plus besoin, vous voyez, j'abandonne ",  en lui rendant ce document .  

Oui,  tort aussi  par  lâcheté de ma part.   Le futur"  Spirit of Sindbad" , un cotre alu, dériveur intégral de 52 Pds m'attendait à Pointe-à-Pitre (on venait de le mettre à l'eau, le six juin 88 , le jour de mes quarante-six ans par hasard , ce n'était pas voulu)  pour me lancer dans  l'aventure des mers, voilier  que j'avais pu acheter grâce à la vente du Coloba, mon ancien motor-yacht.   Manque de persévérance pour le resto  - et je fus bien puni.  L'agence n'a     jamais trouvé acquéreur,...et j'ai déposé le bilan après + d'un an de loyers faramineux  impayés dans cette période en attente d'un acheteur potentiel.  

Petite consolation, quelques années plus tard, je passai devant le 8 de la rue Brantôme (quartier de l'Horloge annexé au centre Pompidou) : Très attirante, une superette présentant sur son étale extérieure de magnifiques fruits et légumes.  Super!  Ils auraient peut-être dû garder une partie de mon enseigne: "Pacifiques fruits",  en modifiant la grammaire.     


 Le quinquagénaire que je découvrais dans sa maison, avait décidé de mourir chez lui et non dans le mouroir de la clinique.   Le moribond,  allongé sur un lit face à la fenêtre, ne ressemblait plus au grand gaillard que nous saluions  de temps en temps sur la plage, lors de nos visites pour conduire ou chercher nos enfants en vacances chez leur grand-mère. Il est squelettique, des escarres couvrent ses avant- bras.  Claude, son épouse est complètement perdue. Le cancer de la prostate s’était ramifié très rapidement.  Trop rapidement pour cette maman de trois filles (la plus jeune doit avoir onze ans) qui n’avait jamais pris la moindre décision, laissant ce rôle à celui qui en avait l’habitude de commander et tout gérer, aussi bien sur son navire que dans l'habitat  familial.  Bien qu'enseignante à l'origine, devenue mère au foyer,  on sent que c'est  une femme-enfant.  Les revenus du mari sont suffisants, mais la  mort est éminente, une affaire de quelques jours.  Pas trop convaincu moi-même, c’était évident qu’il allait trépasser d’un moment à l’autre. Mais Jean me tiendra la main tout le temps de ma visite et semblait me supplier.  Il sait lui qu'il y a encore trop de choses à régler.  Il faut qu'il survive encore un peu! .   Je le conduirai avec son épouse deux jours plus tard chez Guy-Claude à Soisy-Bouy.  Jean ne mangeait plus depuis huit jours.  Le premier soir, il avala huit œufs crus.  Claude qui n’avait pas suivi mon conseil de jeûner au moins quarante-huit heures à l’avance, sera malade toute la nuit.  Par contre Jean, miracle!   Il avait dormi comme un loir.  Vous n’allez pas me croire, il m’accompagnera le matin  pour un tour de la propriété à pedibus sans la moindre assistance.  Il survivra encore deux années. J’en suis témoin, je le jure. Ce qui lui avait permis de mieux préparer son départ.  J'apprendrai sa mort à l'aéroport de Zaventem  en 1992 avant d'embarquer pour un vol  vers Londres et ensuite un autre vers l'Australie et encore un troisième vers la  Nouvelle-Calédonie pour rejoindre mon bateau, le Spirit of Sindbad  et  un skipper, un certain Jean-Louis qui ne sembla pas trop content de me voir arriver à l'improviste.  Il avait disparu depuis près de deux  années depuis le Costa-Rica.  Sa copine, Céline avait mis au monde son fils Robinson à Golfito (coté Pacifique). Et je voulais leur laisser un peu d'intimité et étais rentré en Europe .  Une autre raison aussi:  un album de chansons à enregistrer à Bruxelles. Et puis une petite carte postale de Céline deux ans plus tard qui m'annonçait  avoir quitté Jean-Louis avec son enfant en me précisant que le bateau mouillait dans la Marina de Nouméa. 

-           Pour en revenir  à l'auteur de "La guerre du Cru" ,  c’est vrai que les théories du physicien risquaient d’ébranler tout le système alimentaire de la planète.   Et cet homme se laissa condamner.  Ses propres disciples, de vrais médecins qui croyaient, comme moi-même dans ses travaux, l’ont complètement renié.  Des Judas !  Il nous faudrait un nouveau Voltaire comme pour l’affaire Jean Calas, qu’il réhabilita... ou un Zola pour le capitaine Dreyfus, pour dire, mais je le dis aussi : « J’accuse » ce petit tribunal de Provins d’avoir condamné à une si lourde peine un homme qui avait peut-être des torts sans doute, je n’ai pas suivi le procès, mais une telle peine de quinze ans de prison.  Des nazis et collabos assassins   en ont fait moins.   Ne serait-ce pas plutôt vouloir clouer le bec de ce scientifique ?    J’accuse aussi cette presse à scandale qui a poussé jusqu’à l’opprobre cet intellectuel, se basant sur des rumeurs et non de procéder à des investigations sérieuses.   C'était priver  la science et le genre humain  d'une étude de plus de vingt ans.  Il n’est  plus nécessaire de crucifier ou de brûler ces visionnaires qui risqueraient d’ébranler l’Establishment. Quelques articles où gourou, secte, pédophilie apparaissent… et l'affaire est réglée!   

 Moi,  qui n’étais pas apparemment en mauvaise santé, j’avais opté pour cette nouvelle façon de me nourrir; surtout dans le but que mon épouse me suive et s’y applique le temps pour sa guérison.  En moins d’un mois, à ma grande surprise, car ce n'était pas mon but, j’avais éliminé tous mes excédents graisseux...de mes quatre-vingts kilos, je passais à moins de soixante-cinq.    Un corps et un cerveau plus alerte...que, de par ma nouvelle psyché crudivoriste…  Honnêtement je ne pouvais plus exercer le métier de restaurateur. 

  Je partirai avec ma guitare et mon bateau.  Le toubib épousera Hélène qui vivra encore quelques décennies jusqu'en septembre 2016.   

 



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arrangements: Alan Booth




Départ


Bien sûr qu’il y a des liens très fort  
Qui tiennent l’esprit et le corps
On ne sait pas toujours pourquoi  
Mais parfois on quitte tout ça
Couplet 1 :
Écoutez-moi frères et amis 
Je viens vous dire que je m’en vais
Comme l’hirondelle vers le midi 
L'en empêcher elle en mourrait
Pardon ma mère, pardon mon père 
Mais vous savez bien mieux que moi
Même si les hommes sont solidaires
Chacun doit suivre sa propre voie
Refrain
Suis-je un de ces fils du vent  
Nomade d’instinct guitare au flanc
À la manière des troubadours 
Par mes chansons je vis d’amour
Couplet 2 :
Et toi ma femme qui ne veux suivre  
Ta destinée n’est pas le vent
Je partirai seul sans rien dire 
Laissant la place chaude à l’amant
Je vous laisserai mon peu de fortune  
Pour mes paroles et mélodies
Les braves gens me donneront la tune
C’est ma façon de gagner ma vie
Refrain 2
Couplet 3 :
Les sédentaires gardiens de frontières 
Je ne m’en vais pas pour faire la guerre
Mais regardez comment se meurt 
La Terre entière face à vos murs
Bien sûr qu’il y a des liens très fort  
Qui tiennent l’esprit et le corps
On ne sait pas toujours pourquoi
Mais parfois on quitte tout ça

Ma foi… ma voie !