Le Bout
du Tunnel
Par un curieux lapsus (d’ailleurs ne le sont-ils pas presque toujours : curieux ? Ce qui donneraient des indices à ton
psychanalyste...ou à toi-même en te relisant ; que tu t’aperçois avoir
placé en entête d’un précédent texte « Rebondissement », alors que
soucieux de maintenir le fil d’Ariane de ton blog, le titre aurait dû
s’intituler « Aboutissement »). Aboutissement, car
effectivement, la boucle est presque bouclée de cette narration
autobiographique, parsemée de chansons, à laquelle tu t’y es attelé depuis plus
de deux ans. Rebondissement ? Pourquoi pas ? L’un donnant un flux d’énergie à l’autre
comme une pulsion, un ressort se déployant.
Le bout de ce long tunnel apparaîtrait enfin !
-
Mais fais gaffe Georges, la lumière peut être aveuglante,
sois prudent !
-
Je dis deux ans pour ce périple, mais ce
serait plus d’un quart de siècle !
Pour rappel,
À l’Origine de
pourquoi un patron de plusieurs restaurants en plein essor
démissionnera...abandonnant sa famille et tous ses biens...Pourquoi ?
Au milieu des années quatre-vingts, drame ! Le rapport
médical alarmant de l’Institut Bordet pour Hélène, mon épouse ! D’après l’oncologue : « .../...deux à
trois ans, à moins d’éliminer la cause... », ajouta la thérapeute. Pourtant, nous formons un couple heureux en
ménage, grâce aussi à nos enfants : un adolescent de quatorze et une
mignonne petite fille de huit ans. Nos affaires, principalement des
restaurants, tournent rondement et nous permettent les extravagances d’une vie
bourgeoise relativement insouciante jusqu’à cet après-midi d’octobre où la mère
(44 ans) de mes enfants revient en pleurs du cabinet médical m’annonçant en
larmes de ses beaux yeux d’émeraude dont j’ai toujours été amoureux, le
verdict : Une septicémie pouvant
tourner en leucémie, mais où je retiens : « à moins d’éliminer la
cause ». La cause, la
cause ! D’abord
l’effondrement...mais il ne me faudra pas des lunes avant qu’une certaine rage
m’emporte. Dès lors, tel un limier
explorant la moindre piste, je dévore des ouvrages médicaux qui me feront
remonter jusqu’à Hippocrate (l'une des premières règles que les étudiants en première année de médecine apprennent: « trouver la cause », que prônait leur boss antique) ;
qui me mèneront aussi aux rapports scientifiques des plus récents. Une remarque me frappa plus particulièrement.
Celle tirée d’un ouvrage écrit par un médecin : « Que la
santé est une affaire trop sérieuse que pour la confier qu’aux seuls médecins »
(je constaterai plus tard qu’il n’était pas le seul membre de sa profession à émettre cette idée). Pascal (de l'Institut...pas les Pensées de l'Autre qu'on étudie en philosophie dans les lycées ) en est un des
plus évidents exemples.
-
Ah,
c’est ça ta rage ! T’avais pas été
vacciné ?
-
Effectivement, pas vacciné contre ce mauvais sort qui venait frapper notre famille où tout
semblait nous réussir. D’ailleurs les symptômes commençaient à apparaître. Tout ce savoir brusquement entassé dans ma
petite tête, pour lequel je ne suis pas
vraiment armé. Mes neurones partent dans
tous les sens, débridés. Si tu veux
comprendre, tu commences par lire Utopia de Thomas More et ensuite l’éloge
de la Folie d’Erasme, son grand copain.
Je tire mes propres conclusions.
Des lois de la Physique, de la Biologie, les comportements des pré-Sapiens
depuis la Guerre du Feu, les citoyens d’aujourd’hui, ceux qui vivent dans les
contrées froides, les autres où c’est torride...que delà m’était venu l’idée du
Phosomètre, que le 19ième Salon des Inventions et Technique nouvelles de Genève me décerna une médaille de bronze en avril 1991... Et le pire, c’est
que je me suis mis à ne plus cuire mes aliments, je deviens, dès 1986, un « Instincto »,
endoctriné par un certain Guy-Claude Burger, physicien suisse, établi dans la
ferme-château de Montramé à Soisy-Bouy, près de Provins, l’auteur d’un livre
« La Guerre du Cru ».
-
Toujours
à la recherche des fameuses causes, un petit libraire de marché bio à Paris
m’avait conseillé ce bouquin qui fut un déclic.
C’était tellement évident que je me rendrai chez ce gourou, comme la
presse à scandale le traita par la suite. Ce savant sera condamné à quinze années de
prison ferme par le Tribunal de Provins pour acte de pédophilie, exercice
illégale de la médecine, avec l’interdiction de communiquer à plus de trois
personnes à la fois. Pour la pédophilie,
je n’avais rien remarqué, je sais juste qu’il voulait comprendre les pulsions
infantiles...qu’il en avait écrit cet autre essai « Les Enfants du crime » …Quant à la médecine, il avait toujours précisé qu’il n’était pas médecin et
qu’il s’entourait d'eux pour suivre les curistes malades. Tristesse et honte sur ces thérapeutes qui n'ont pas témoigné au Procès! (Ou peut-être que l'accusation bien organisée avait réussi à les débouter avec cette ombre menaçante qu'ils soient exclus de l'Ordre des médecins.)
Personnellement j’y avais conduit, en phase
terminal, un certain Jean Floridor, ex commandant des ferrys faisant la navette
entre Ostende et l’Angleterre. Il devait mourir dans la huitaine d’après
l’hôpital. Avant de continuer, je me
dois d’abord de certaines précisions. Hélène et moi sommes séparés depuis peu. On s’était dit que parmi les causes, qui
sait, si ce n’était pas notre couple le grand responsable de sa maladie. C’est
une femme de caractère, mais pour les questions des affaires, c’est moi qui
décide en final. Elle en souffrait
peut-être...et je n’avais pas spécialement toujours raison. Sur un autre point,
elle est très jalouse , et j’avoue avoir eu quelques faiblesses à une époque bien que cela ne se
produisait plus. Oui, nous avions eu notre crise en 1981. Vers mes trente-neuf ans (elle en avait quarante-et-un). En fait, brusquement un ras-le-bol de nos disputes continuelles… trop de pressions et j'aspirais à une autre vie. En lui annonçant fermement la quitter et faire un partage équitable de nos avoirs, son visage se décomposa tellement, me rendant compte du mal que j'infligeais à la mère de nos deux enfants, que finalement je changeai d'avis. Dès lors tout s'est remis mieux encore qu'à notre mariage. Plus jamais de disputes. Notre amour avait repris sa place prioritaire. Plus que du bonheur et de l'harmonie dans notre famille pendant les cinq années suivantes, jusqu'à ces examens médicaux de la clinique Bordet.
C'était mon point de vue, mais était-ce le sien? Ne faisait-elle pas trop d'efforts sur elle-même, au détriment de sa personnalité propre qui la rongeait intérieurement? Ne serait-ce pas là, la cause? Il faut tout essayer, avant tout pour les enfants. Pas question d'en faire deux orphelins privés de leur mère! Le cancer peut provenir de l'amertume qui s'installe doucement. L'issue fatale est parfois inconsciemment souhaitée par l'un ou l'autre conjoint .
Aussi, nous
avions décidé de nous éloigner l’un de l’autre pour une période de six
mois pour voir l'évolution de la maladie. Je séjournerais sur le bateau
ancré au Port Vauban à Antibes avec ma guitare et composais des chansons. Il valait mieux m'éloigner aussi de la gestion des restaurants car je risquais, par mes nouvelles idées, de devenir une sorte d'imprécateur. Pourquoi pas des restaurants végétariens dans la Petite rue des Bouchers aurais-je lancé quelquefois dans nos discussions, ce qui l'inquiétait. Entretemps,
l’oncologue de Bordet, la Doctoresse Henri avait recommandé un certain confrère
généraliste, un ex kiné qui avait repris ses études, le Dr. Michel V. pour suivre
mon épouse. Ce thérapeute, dix ans plus
jeune que ma légitime épouse, tombera amoureux.
In fine, n’était-ce pas ce qu’il y avait de mieux pour ma femme
après tout ? Surtout qu’elle n’est
pas décidée de me suivre dans ma nouvelle façon de me nourrir.
-
J’en
reviens à ce commandant Jean Floridor.
-
Un
soir de 1990, à mon grand étonnement, car ça n’a jamais été le grand amour, ma
belle-mère, me téléphona de Mariakerke, faubourg de et à l'Ouest d'Ostende. Elle occupait à l’année un appartement sur la
digue. Au courant de ma nouvelle façon de vivre, à savoir
« Instincto », elle me pria de venir voir le mari de son amie
qui va très mal. Comme j’étais justement
à Bruxelles* pour quelques jours chez ma mère, le lendemain, il ne me fallait
pas beaucoup plus d’une heure pour rejoindre la Côte.
*Ayant vendu le motor-yacht, le Coloba, amarré à Antibes en vue d'acquérir un voilier hauturier, je résidais habituellement dans un charmant pavillon à l'ouest de Paris à Le Peck près de Versailles dans les Yvelines. L'Ouest parce que plus près de l'Atlantique et ne pas devoir traverser Paris quand, en urgence, mes besoins d'air salin se faisaient pressants; et aussi d'avoir créé "Le Pacific fruits§music", au 8 rue Brantôme dans le 4e Arrondissement. Nouvelle formule de restaurant avec ce slogan affiché sur le fond du décor, style cabanon haïtien :
"Manger du fruit c'est génial! L'aliment originel engendre la communion des Êtres; contribue à la symbiose de l'homme et de la nature, Régente de l'action positive"
J'avais tort, mais c'est plus fort que moi, il a fallu encore une fois - était-ce la cinquantième ou la soixantième ouverture, le 8/8/ ..88? .- Succès ce premier jour d'inauguration (défilé de mode d'une jeune styliste liégeoise, je chante sur la scène face à + de 600 personnes: des Parisiens, des amis, des curieux, des profiteurs (cocktails offerts) et...le service de l'Ordre pour m'annoncer qu'il me fallait des autorisations de la Préfecture pour produire de la musique en life. Je m'empresserai le lendemain de courir à Versailles faire ma demande. Tout le caractère de ce resto-cabaret était fondé , bien sûr sur une alimentions à base de fruits, mais aussi et surtout en y joignant ce folklore de musiciens antillais. Le charme étant rompu, après trois mois d'attente, par manque de trésorerie, il me faudra licencier les neuf collaborateurs; confier les clés à une agence immobilière pour céder le fond de commerce et le bail ; quand, juste à ce moment là, un policier m'apporta ces fameuses autorisations , un après-midi de novembre 1988.
"- Merci Monsieur l'agent je n'en ai plus besoin, vous voyez, j'abandonne ", en lui rendant ce document .
Oui, tort aussi par lâcheté de ma part. Le futur" Spirit of Sindbad" , un cotre alu, dériveur intégral de 52 Pds m'attendait à Pointe-à-Pitre (on venait de le mettre à l'eau, le six juin 88 , le jour de mes quarante-six ans par hasard , ce n'était pas voulu) pour me lancer dans l'aventure des mers, voilier que j'avais pu acheter grâce à la vente du Coloba, mon ancien motor-yacht. Manque de persévérance pour le resto - et je fus bien puni. L'agence n'a jamais trouvé acquéreur,...et j'ai déposé le bilan après + d'un an de loyers faramineux impayés dans cette période en attente d'un acheteur potentiel.
Petite consolation, quelques années plus tard, je passai devant le 8 de la rue Brantôme (quartier de l'Horloge annexé au centre Pompidou) : Très attirante, une superette présentant sur son étale extérieure de magnifiques fruits et légumes. Super! Ils auraient peut-être dû garder une partie de mon enseigne: "Pacifiques fruits", en modifiant la grammaire.
Le quinquagénaire que je découvrais dans sa maison,
avait décidé de mourir chez lui et non dans le mouroir de la clinique. Le
moribond, allongé sur un lit face à la fenêtre, ne ressemblait plus au grand
gaillard que nous saluions de temps en temps sur la plage, lors
de nos visites pour conduire ou chercher nos enfants en vacances chez leur
grand-mère. Il est squelettique, des escarres couvrent ses avant- bras. Claude, son épouse est complètement perdue.
Le cancer de la prostate s’était ramifié très rapidement. Trop rapidement pour cette maman de trois
filles (la plus jeune doit avoir onze ans) qui n’avait jamais pris la moindre
décision, laissant ce rôle à celui qui en avait l’habitude de commander et tout gérer,
aussi bien sur son navire que dans l'habitat familial. Bien qu'enseignante à l'origine, devenue mère au foyer, on sent que c'est une femme-enfant. Les revenus du mari sont suffisants, mais la mort est éminente, une affaire de quelques
jours. Pas trop convaincu moi-même,
c’était évident qu’il allait trépasser d’un moment à l’autre. Mais Jean me
tiendra la main tout le temps de ma visite et semblait me supplier. Il sait lui qu'il y a encore trop de choses à régler. Il faut qu'il survive encore un peu! . Je le conduirai avec son épouse deux jours
plus tard chez Guy-Claude à Soisy-Bouy.
Jean ne mangeait plus depuis huit jours.
Le premier soir, il avala huit œufs crus. Claude qui n’avait pas suivi mon conseil de
jeûner au moins quarante-huit heures à l’avance, sera malade toute la
nuit. Par contre Jean, miracle! Il avait dormi comme un loir. Vous n’allez pas me croire, il m’accompagnera le matin pour un tour de la
propriété à pedibus sans la moindre assistance. Il
survivra encore deux années. J’en suis témoin, je le jure. Ce qui lui avait permis de mieux préparer son départ. J'apprendrai sa mort à l'aéroport de Zaventem en 1992 avant d'embarquer pour un vol vers Londres et ensuite un autre vers l'Australie et encore un troisième vers la Nouvelle-Calédonie pour rejoindre mon bateau, le Spirit of Sindbad et un skipper, un certain Jean-Louis qui ne sembla pas trop content de me voir arriver à l'improviste. Il avait disparu depuis près de deux années depuis le Costa-Rica. Sa copine, Céline avait mis au monde son fils Robinson à Golfito (coté Pacifique). Et je voulais leur laisser un peu d'intimité et étais rentré en Europe . Une autre raison aussi: un album de chansons à enregistrer à Bruxelles. Et puis une petite carte postale de Céline deux ans plus tard qui m'annonçait avoir quitté Jean-Louis avec son enfant en me précisant que le bateau mouillait dans la Marina de Nouméa.
-
Pour en revenir à l'auteur de "La guerre du Cru" , c’est vrai que les théories du physicien risquaient
d’ébranler tout le système alimentaire de la planète. Et cet
homme se laissa condamner. Ses propres
disciples, de vrais médecins qui croyaient, comme moi-même dans ses travaux,
l’ont complètement renié. Des
Judas ! Il nous faudrait un nouveau
Voltaire comme pour l’affaire Jean Calas, qu’il réhabilita... ou un Zola pour
le capitaine Dreyfus, pour dire, mais je le dis aussi :
« J’accuse » ce petit tribunal de Provins d’avoir condamné à une si
lourde peine un homme qui avait peut-être des torts sans doute, je n’ai pas
suivi le procès, mais une telle peine de quinze ans de prison. Des nazis et collabos assassins en ont fait moins. Ne
serait-ce pas plutôt vouloir clouer le bec de ce scientifique ? J’accuse aussi cette presse à scandale qui a poussé
jusqu’à l’opprobre cet intellectuel, se basant sur des rumeurs et non de procéder à des investigations sérieuses. C'était priver la science et le genre humain d'une étude de plus de vingt ans. Il n’est plus nécessaire de crucifier ou de brûler ces
visionnaires qui risqueraient d’ébranler l’Establishment. Quelques articles où gourou, secte, pédophilie apparaissent… et l'affaire est réglée!
Moi, qui n’étais pas apparemment en mauvaise
santé, j’avais opté pour cette nouvelle façon de me nourrir; surtout dans le
but que mon épouse me suive et s’y applique le temps pour sa guérison. En moins d’un mois, à ma grande surprise, car ce n'était pas mon but, j’avais éliminé tous mes
excédents graisseux...de mes quatre-vingts kilos, je passais à moins de
soixante-cinq. Un corps et un cerveau
plus alerte...que, de par ma nouvelle psyché crudivoriste… Honnêtement je ne pouvais plus exercer le métier de restaurateur.
Je partirai avec ma guitare et
mon bateau. Le toubib épousera
Hélène qui vivra encore quelques décennies jusqu'en septembre 2016.
Départ
Bien sûr qu’il y a des liens très fort
Qui tiennent l’esprit et le corps
On ne sait pas toujours pourquoi
Mais parfois on quitte tout ça
Couplet 1 :
Écoutez-moi frères et amis
Je viens vous dire que je m’en vais
Comme l’hirondelle vers le midi
L'en empêcher elle en mourrait
Pardon ma mère, pardon mon père
Mais vous savez bien mieux que moi
Même si les hommes sont solidaires
Chacun doit suivre sa propre voie
Refrain
Suis-je un de ces fils du vent
Nomade d’instinct guitare au flanc
À la manière des troubadours
Par mes chansons je vis d’amour
Couplet 2 :
Et toi ma femme qui ne veux suivre
Ta destinée n’est pas le vent
Je partirai seul sans rien dire
Laissant la place chaude à l’amant
Je vous laisserai mon peu de fortune
Pour mes paroles et mélodies
Les braves gens me donneront la tune
C’est ma façon de gagner ma vie
Refrain 2
Couplet 3 :
Les sédentaires gardiens de frontières
Je ne m’en vais pas pour faire la guerre
Mais regardez comment se meurt
La Terre entière face à vos murs
Bien sûr qu’il y a des liens très fort
Qui tiennent l’esprit et le corps
On ne sait pas toujours pourquoi
Mais parfois on quitte tout ça
Ma foi… ma voie !