Au Présentateur du magazine la
Grande Librairie, sur France 5
Cher François Busnel,
Bonjour,
" Faire son métier
d'homme"
En ce temps de confinement,
sûrement une bonne idée de relire la Peste de Camus comme vous le suggérez ce dernier
mercredi soir du 22 avril, au magazine « La Grande Librairie », émit
par France 5. Lauréat du Prix Nobel de 1957, il sera l’invité
d’honneur dans différents milieux littéraires dont à Bruxelles, probablement entre
1958 et 59 puisque nous savons qu’il succomba, avec le fils Gallimard, le 4
janvier 60, dans l’Yonne suite à un accident de la route. À voir les photos de la Facel Vega
complètement disloquée contre un platane, ils devaient être très pressés. Pour revenir à son passage dans la capitale
belge, à l’heure du déjeuner, sans doute avait-il remarqué le slogan :
"Manger portugais dans le plus parisien des restaurants bruxellois
» de Lucio, mon père, qui de dessinateur talentueux deviendra restaurateur
à 40 ans et patron du Mouton d'Or, situé au cœur même de la cité à deux pas de
la Grand-Place.
L’ouverture se fera le 21
juillet 1958, au moment de l’Expo 58.
Donc, Albert Camus n’avait pu qui passer entre ces deux dates. Je le
vois encore, en discussion très sérieuse avec son voisin de table, ses yeux planant
sans attention particulière vers ce jeune homme qui s’efforçait de servir le
mieux possible la centaine des autres clients du midi et qui n’aura pas le
temps de lui demander un autographe, vu qu’à moins d’un quart d’heure des cours
de l’après-midi à l’Athénée Royal d’Ixelles, il s’éclipsait en vitesse.
M’aurait-il, en ce temps-là,
transmis cette fièvre de l’écriture, je ne crois pas ? À dix-sept ans, j’abandonnerai
des études plus du tout prometteuses dans cette institution laïque, alors que
l’année précédente, au Collège Ste Gertrude à Nivelles, les abbés me
félicitèrent en me remettant mon diplôme avec Prix d’excellence du cycle
inférieur en secondaire, avec un « Bravo, continue comme ça ! » Je
tenterai de consoler ma mère déçue de ne plus voir ce fils en futur agronome, en
prétendant naïvement que le métier de serveur, m’offrait l’occasion de perfectionner mes connaissances, non plus
des plantes et des forêts, mais du genre humain (à table). Cependant, j’avoue que depuis peu, mon plus
grand regret, par les temps qui courent de voir la planète se dégrader par
l’action des hommes, c’est de ne pas avoir rejoint la communauté scientifique, en vue de mieux la protéger. C’est vrai, qu’aux regards de la bonne
bourgeoisie, j’avais réussi d’une autre manière, en créant une chaîne de
restaurants ! Jusqu’au jour, confronté par la maladie de mon épouse, -
l’avis de l’oncologue « deux à trois ans, à moins d’éliminer la cause »
-, je me suis immergé à fond dans toutes sortes de lectures pour mieux
comprendre ce mal qui venait ébranler ma famille. Une conclusion alors s’imposa
à moi, par cette phrase pleine de
sagesse d’Hippocrate « chercher la cause … ». Clair
qu’ici en Belgique, en France et bien d’autres nations , la façon de
nous nourrir était une, si pas la principale, cause des maladies… Moi qui
m’enrichissais grâce au métier de la bonne chair, je me suis brusquement senti
coupable de gagner ma vie au détriment de la vie des autres, Sapiens et autres
espèces animales… et tournai le dos à la boutique, très lucrative pourtant.
Y avait-il ce virus du besoin d’écrire qui
sommeillait, attendant le moment propice ? Qui sait si l’âme du célèbre écrivain ne m’avait
pas un peu contaminé ? Cependant,
ma conscience avait à faire face à un autre dilemme. Les livres ? Oui pour les érudits peut-être, mais les
forêts qui se déboisaient pour cette industrie effrénée du papier ? N’allais-je pas être, par mes manques de
bases, l’un de ces écrivaillons médiocres ? Pourtant il me semblait avoir ce besoin de
transmettre, et me suis dit : pourquoi pas les chansons qui peuvent être
perçues par les ondes et toucher le plus grand nombre ? Coup de chance, j’avais la guitare !
Merci pour votre émission qui me
fait le plus grand bien dans cette contrainte du Confinement (oui avec une
majuscule !)
Votre téléspectateur très
reconnaissant.
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