Souffle d’été, un Souvenir ...
Une anecdote qui me
revient de trente ans auparavant, en vacances à Ténérife.
.../...J’avais pris
l’habitude journalière et matinale d’une promenade sportive, en sautant d’un
rocher à l’autre au fond d’un petit canyon asséché pour rejoindre les plages de
galets et plonger dans la fraîcheur des vagues de l’Atlantique. Soudain, mon regard fut attiré par un petit arbrisseau,
en très mauvaise posture, délogé sans doute par un léger éboulement de pierres. Vu la
couleur de ses feuilles encore bien vertes, il ne me donnait pas l’impression
(très tète en l'air !) de se
résigner à mourir, bien que ses racines (plus terre-à-terre) , exposées au soleil, semblassent crier au secours. En voulant sauver la plante, je glissai la
tête en bas, sur des caillasses aux arêtes tranchantes. Ma dégringolade s’arrêta net près d’un vieux seau abandonné. Allais-je tirer la leçon, qu’il ne faille pas
s’évertuer à vouloir enraciner ce qui ne l’est pas - surtout
quand on n’est pas qualifié - ?
Au contraire, ce hasard me fit rire...Le corps ensanglanté, je remontai la
pente dangereuse avec l’ustensile rempli au préalable de bonnes terres, puisées
dans le lit encore humide de ce ruisseau occasionnel - quand tombe la pluie providentielle - ; et replantai le végétal, où il devrait se sentir plus en
sécurité. Je reparti cahin-caha, le corps alourdi par la
douleur, mais le cœur léger. Le sang
battant aux tempes, activant la mémoire...En sifflotant, je pensais au poème de
Victor Hugo :
« Après la bataille »
Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d’un seul housard qu’il aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
Parcourait à cheval, le soir d’une bataille,
Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
Il lui sembla dans l’ombre entendre un faible bruit.
C’était un Espagnol de l’armée en déroute
Qui se traînait sanglant sur le bord de la route,
Râlant, brisé, livide, et mort plus qu’à moitié,
Et qui disait : - À boire, à boire par pitié ! –
Mon père ému, tendit à son housard fidèle
Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,
Et dit : - Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé. –
Tout à coup, au moment où le housard baissé
Se penchait vers lui, l’homme, une espèce de Maure,
Saisit un pistolet qu’il étreignait encore,
Et vise au front mon père en criant : Caramba !
Le coup passa si près que le chapeau tomba
Et que son cheval fit un écart en arrière.
-
Donne-lui tout de même à boire, dit mon père.
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