Juste pour terminer. Cette
escale, plus longue que prévue, offrit l’occasion à Jean-Lou d’aller plonger pour
faire la réserve de poissons. Il refit surface
avec deux langoustes et un mérou, mais complètement sonné, en vociférant
de rage contre des crapules qui pêchaient à l’explosif. Hélas, ce citadin* qui m’imprégnait encore, n’aura
pas le loisir de déguster ces mets de luxe!
*Moins de quarante-huit heures
avant, j’étais encore en France, plus exactement à Le Peck (petite commune qui
vit naître Jacques Tati, dans les Yvelines, à l’ouest de Paris à côté de Saint-Germain-en-Laye
où domine l’ancien château de Louis XIV avant que ce dernier ne transféra sa
Cour à Versailles) et déménageais mes affaires du pavillon que j’occupais
depuis plus d’un an.
Le Spirit of Sindbad, après réfection,
avait été mis à l’eau le lundi six juin 1988, le jour de mes quarante-six ans,
à la Marina Bas-du-Fort de Point-à-Pitre en Guadeloupe. Tandis que Jean-Lou garderais le bateau,
j’étais revenu à Paris pour liquider la faillite de mon restaurant « Le
Pacific Fruits &Music », situé dans le quartier de Beaubourg, au 8 rue
Brantôme (IVème Ar.) – C’est une autre histoire, j’y reviendrai - Seulement,
depuis trois mois, sans plus la moindre nouvelle de Jean-Lou, je commençais
sérieusement à m’inquiéter…surtout que la Guadeloupe avait été ravagée par le
cyclone Hugo. Le cotre aurait-il été détruit
avec Jean-Lou et Céline, sa nouvelle compagne ? Mais il y avait eu ces rumeurs qu’ils étaient
partis voguer pour leur lune de miel vers Saint-Martin, et cela me rassura
quelque peu au sujet du bateau. N’empêche
que depuis trois mois, c’était le silence.
Le seul lien possible pour Jean-Lou de m’atteindre est le téléphone fixe
du bungalow. À l’instant même où j’allais
arracher la prise pour restituer l’appareil à la régie, celui-ci se mit à
sonner. C’était Jean-Lou ! À cours d’argent sans doute. Il n’eut
pas le temps de m’en demander, « J’arrive où es-tu ? » Le
surlendemain, je posais mes pieds sur le tarmac de l’aéroport de Nassau. Spirit of Sindbad mouillait juste dans le canal,
face au Club Med. Delà nous décideront de mettre le cap vers
Miami… et cette première escale à trois miles au Nord… Et ce chien seul sur cet îlot.
En effet, un voilier, battant pavillon allemand, avait jeté l’ancre
près du Spirit of Sindbad. Le couple accepta, avec un air un peu dubitatif,
le troc que Jean-Lou proposait : sa précieuse pêche contre quatre
cannettes de bière fraîche, une boite de saucisses de Francfort et un peu de
moutarde. Effaré, que pouvais-je dire, c’était sa pêche ? La joie pour le
Suisse qui déglutit ces merguez teutonnes qu’il enrobait de moutarde, me faisait
penser à Marcel Proust et cette madeleine trempée dans sa tasse de thé qui lui
rappelait ce moment de délectation dans sa jeunesse.
Oui, comme énoncé dans la
chanson « Le Curé de campagne »,
ce petit village de Corroy-le-Grand avait repris vie, après les deux vagues de
désertion de ses jeunes habitants actifs.
La première remontait à la fin du 19ième Siècle, quand, le
cœur léger, ils s’exilaient vers les Amériques ; l’autre après la Deuxième
Guerre Mondiale et l’essor de l’urbanisation des grandes villes. Il faut aussi tenir compte des disparus, victimes
des deux grands conflits meurtriers qui ont ébranlé l’Europe. Et, à retrouver
les nombreuses douilles de cartouches qui jonchaient les bois tout autour en
1948-1950, nous les enfants, pouvions imaginer ces combats guerriers. Cette
bourgade pittoresque aura vite suscité l’engouement des nouveaux résidents que
provoqua l’édification fin des années soixante de la cité universitaire de
Louvain-la-Neuve à proximité, créée pour des raisons linguistiques, où les
cours pouvaient se donner en français, contrairement à Louvain-
« l’ancienne », culturellement flamande convaincue.
La modeste petite école primaire, autrefois
composée d’une classe pour les filles et une pour les garçons, et chacune
disposant de sa cour de récréation. Je
fus l’un de ses écoliers, assis dans la
rangée des bancs de première et deuxième année. Actuellement, encadrée par une équipe de
jeunes enseignantes enthousiastes, cette petite école s’était complètement
dynamisée, agrandie à l’arrière avec de nombreuses classes, une grande cour de
détente commune aux filles et garçons pour accueillir quelques centaines
d’enfants de trois à douze ans. Par un
bel après-midi de printemps, avec la guitare, j’étais venu présenter cette
chanson « Le curé de village » au moment de la récréation. Hélas, ni les gosses, ni les adultes ne pouvaient
vraiment comprendre ma démarche : rappeler l’histoire de ce village, de sa
petite école et de son curé de campagne des années cinquante!
Fallait-il revenir méditer
ici, sur ce chemin de campagne, après quatre décennies pour que me vienne cette
illumination, cet état de conscience transcendant pour trouver une
réponse …vouloir comprendre pourquoi tout ce mal que provoquent les
hommes ?
Soudain, hallucinerais-je?, je vis de la poussière d'or enrober Frank, mon berger allemand qui me précédait, et cette réponse qui me tomba de Dieu sait où:
Soudain, hallucinerais-je?, je vis de la poussière d'or enrober Frank, mon berger allemand qui me précédait, et cette réponse qui me tomba de Dieu sait où:
" L'ennemi c'est ma puissance, l'amitié ma récompense!"
(Sur une
musique de Jean-Marie Dorval) :
Exode africa
..
Sur une Musique de Jean-Marie Dorval qui m'inspira ces mots en 1999:
Le Mal ou le Bien
C’est une vieille histoire
Le Mal ou le Bien
Fin d'un millénaire
Et toujours ce refrain
Des hommes sur des routes
Qui ne mènent à rien
Parce qu’ils ont des doutes
Est-ce mal ou bien
Combien de ruptures
Complices du Malin
Croyant être pures
Ont fait pire que bien
Est-ce bien ou mal
Question de maintien
Ou réponse fatale
Qui fait mal aux seins
Là-bas pas très loin
Ils quittent leurs biens
Envahis de haine
Alourdit leur peine
Que répondre à ça
Plus en plus de soldats
Défilent dans ce bal
Font-ils bien ou mal
Armée qui fait mal
Armée qui fait bien
On choisit son camp
Ou on fait semblant
Est-ce plus mal encore
Question de faire bien
Toute façon les morts
Ne nous diront rien
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