Mais Paris me fit aussi le plus beau cadeau.
Il y a aussi ce François Cochon – oui, vous avez bien lu -, c’est
le patronyme d’un jeune homme, qui m’avait un peu intrigué à la sortie du RER à
Saint-Germain-en-Laye. Déjà par son habit,
un gilet chamarré à boutons à l’instar de ceux que portent les barmen dans les
hôtels de luxe. Il m’avait demandé cinq francs. Distraitement,
je lui avais glissé une pièce de dix. Voilà que mon quémandeur me
propose un verre à la brasserie juste en face !
- Mais, ça va te coûter plus cher que cette petite obole ! rétorquais-je, sans trop m’attarder, en
continuant vers l’endroit où j’avais garé la Renault 9 (j’évite de la prendre
pour circuler dans Paris) …Et puis finalement, je m’arrête songeur : oui,
intrigué aussi, par cette ressemblance avec Schubert, par son accoutrement, ses
cheveux ébouriffés et ses petites montures de myope sur le nez... Il avait peut-être besoin de parler...Rien ne
m’empêcherait de régler moi-même les consommations.
- Puis-je téléphoner ?
- Alors,
c’est ta compagne qui va accoucher ?
- Ce n’est
plus ma femme.
- Plus ?
Comment ? Elle va accoucher pourtant ; et tu l’appelles.
- Ce
n’est pas moi le père. Nous sommes séparés depuis plus de neuf mois.
- Oui,
c’est dommage ! Hélas, ça arrive !
Mais
alors, son nouveau compagnon ... Il doit être près d’elle en ce
moment ?
- C’était un
jeune de seize ans qui s’est enfui.
- Alors j’imagine que
ses parents sont près d’elle ?
- Elle n’a
personne. Elle est orpheline.
Quelques secondes de réflexion et j’enchaîne :
- Faudrait
peut-être bien que tu ailles la voir pour la réconforter, si elle est seule.
- Pas
question, ce n’est pas mon problème !
- Ah bon ! Du
coup j’explose. - Casse- toi… Tu ne
m’intéresses pas ! Et j’ajoute précipitamment en ouvrant la
porte de rue :
- Sois content ! Ce ne sera pas un petit
Cochon qui va naître, mais un petit Jésus. D’ailleurs, rien ne
t’empêche d’aller changer ton nom. Ce n’est pas de ta faute si l’un
de tes ancêtres a fait en sorte qu’on l’appelle ainsi. Je peux
imaginer ta souffrance depuis ton enfance. Les moqueries de tes
compagnons de classe…ensuite à l’armée…et puis au boulot. Je crois
que tu en as bavé. Va changer ton nom ! Appelle-toi « Chevalier » ou
« Saint Joseph », puisque t’es charpentier. Et casse-toi !
- Sans problème, on y va tout de suite.
Paris venait de m’offrir le plus beau cadeau d’adieu.
Je pouvais m’envoler vers les Bahamas, rejoindre
Jean-Louis, Céline et le Spirit of Sindbad…
*Le 8 /8 / 1988, le soir même de l’ouverture
du « Pacificfruit&music », deux agents au service de l’Ordre,
sont venus m’annoncer qu’il[UW1] me fallait une autorisation de
la Préfecture pour produire de la musique en life (avec des musiciens). Le lendemain, je courrais à Versailles avec
ma demande en bonne et due forme. Il faut savoir que le resto/ cabaret ne
pouvait être attractif qu’avec les animations d’artistes et musiciens. Après quatre-vingt-dix jours d’attente, à
cours de trésorerie et devoir licencier les neuf collaborateurs, je sonnerai le
glas de désespoir du « Pacificfruit&music »
Consolation, quelques années plus tard,
curieux de voir ce qu’était devenu ce rez-de-chaussée commercial... Bonheur :
une supérette de fruits et légumes !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire