1939, c’est aussi l’année où les Panzers
allemands envahissent la Pologne ; que déjà, chez les étudiants, des
mouvements de protestation se manifestent. C’est ainsi que nos jeunes
parents se rencontrent. L’un comme l’autre, vous le savez, pratique la
musique. Elle au piano, lui au violon. Au profit des Polonais, un concert
est donné au théâtre de l’Alhambra à Bruxelles, situé au boulevard Émile
Jacquemin (il n’existe plus actuellement). Ils répètent, entre autres
œuvres musicales, la Méditation de Thaïs de Massenet qui soudera leur premier
baiser. Et voilà ! Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères...C’est grâce à la musique que nous sommes là.
Avant leur mariage : René, le 20 décembre 1940 à Saint-Gilles; mariés entre-temps, moi, le 6 juin 1942 (même commune) - zut encore un garçon ! - ; Claudine, - Ah une fille ! - le 4 octobre 1947 à Ixelles; ensuite, mais nous y reviendrons, les jumeaux Jean-Luc et Jean-Marie le 27 janvier 1950 à Schoten (près d'Anvers); Paul - dit Polo -le 18 juillet 1951 à Uccle; Martine le 16 octobre 1956 à Ixelles (morte quatre jours avant la naissance, étranglée autour du cordon ombilicale). Ce drame modifiera complètement les destinées de cette famille nombreuse. Notre mère, du coup vieillie de dix ans, pour contrer sa douleur décida de trouver un emploi.
"- Si tu veux travailler, alors faisons le ensemble", proposa le papa qui ne savait plus comment s'y prendre pour la consoler. Ainsi l'idée est venue de créer un restaurant. Mais je le reredis, nous en parlerons plus tard.
Pourquoi un tel écart de cinq ans, entre Claudine et moi ? Oui, au Portugal, crise dans le couple et séparation. Georgette travaille au consulat de Belgique, Lucio sera le comptable et dessinateur du docteur Keusler, P.DG d'une usine fabriquant des portes en lamelé de liège - (Brevet que le paternel exploitera en Belgique sous le nom de Tricork quelques années plus tard). Notre père est un amoureux de sa femme, bien sûr, mais aussi de toutes les autres... ce que notre mère n'est pas prète à partager. - Elle reviendra en Belgique avec ses enfants après la guerre. Nous aurons droit à une petite escale en calèche pour découvrir Paris libéré...et nous irons habiter juste en face de la gare de l’Est à Nivelles, chez bonne-maman. Celle-ci, suite au décès prématuré de son mari, notre grand-père, Georges Fronville, s’était remariée deux ans plus tard avec un certain Lucien Couniot, divorcé. Ils créeront ensemble la compagnie de taxis Couniot dont le charrois sera composé de belles belles limousines américaines: Dodges, Plymouth et Desoto qui garaient face à la station de chemin de fer. De cette nouvelle union naîtront Lucienne et Hubert. Hélas, durant cette période d'après-guerre, elle pleurait beaucoup notre maman, pas trop bien acceptée dans cette nouvelle famille, qu’elle avait d’ailleurs quittée à l’âge de quinze ans, lasse de jouer la bonne, la nurse... d'aller continuellement chercher au bistrot ce beau-père devenu alcoolique, qui, dans ses incontrolables crises, eût parfois des gestes un peu trop déplacés vers l'adolescente ... et qu’elle s’était réfugiée à Bruxelles, chez sa tante Élise, la sœur aînée du père disparu. Ce qui lui avait permis de reprendre des études de secrétaire, car sa propre mère en aurait fait une servante. - Une Fronville ne sera pas une domestique, sermonna l’aïeule qui la prendra sous sa protection. Je me souviens encore de cette tension chez les Couniot. Odeur rance de tabac, jamais des regards francs et souriants. Hubert, deux ans de plus que mon frère, un vrai sadique ! Avec sa carabine à plomb, il ne tirait pas que sur les oiseaux... nos fesses aussi furent ses cibles. Oui, franchement, nous n’étions pas les bienvenus ! Sauf Lucienne, l'aînée, quinze ans plus jeunes que sa demi-soeur, adorait son neveu préféré, qui n'était pas le garnement Jojo, comme on m'appelait. Enfin, René et moi courrions souvent avec joie jusqu'au passage à niveau contempler en pleine manœuvre, à quelques mètres, les va-et- vient des locomotives rugissantes dans leurs nuages de vapeur, articulant leurs grands bras fixés aux énormes roues. Pas très loin, le silence des hauts murs de briques rouges de la prison. Les grands murmuraient, pour que nous n’entendions pas, qu’on allait pendre deux hommes le lendemain à l’aube...Mais les enfants, ça entend toujours ce qu’ils ne doivent pas entendre !
Et un jour, on vit le Papa revenir de Lisbonne en
début 47 ...et nous partirons tous ensemble pour Ixelles. Claudine à peine née, s’ajoutera aux
Salles-Froès-Fronville, un magnifique
berger allemand de six mois : Topsi.
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