Non, au fond, c’est exactement
le contraire ! Ce que je croyais
finalement avoir compris du pourquoi mes profs en soutane du Collège avaient
souri quand je leur avais annoncé que mes parents ouvraient un resto dans la
Petite rue des Bouchers...découvrant moi-même ce qu’ils savaient de ces
bas-fonds bruxellois aux mœurs dévoyées, j’étais encore bien loin de saisir
toutes les raisons de ces déviances sexuelles avec un réel mépris. Pensez donc ! Notre mère devenue lesbienne qui répudiait
d’un coup les valeurs morales de ce qu’est une famille, en plus dans notre cas,
nombreuse avec six enfants ; d’abandonner ce Mouton d’or qui démarrait sur
les chapeaux de roues pour aller louer une maison dans la rue Francart, près de
la Porte de Namur et y installer la Flambée, - oui ce nom qui était
prévu au départ pour le Mouton d’or - qui deviendra, en tout cas à ses débuts,
qu’une simple gargote trop cloîtrée pour un développement normal ; c’était surtout un lieu de
rendez-vous de gouines et de pédérastes. Il y avait de quoi hurler de rage de son
entêtement. Surtout si c’était ce qu’elle souhaitait comme clientèle, il valait
mieux rester dans le Centre.
« Maman, c’est ici dans ce
quartier qu’il faut t’installer » … Mais elle restait sourde à mes arguments
et me répondait, « Pas question de faire de la concurrence à ton père...et
puis, il est temps qu’il prenne ses responsabilités !». – C’est
vrai, c’était aussi une des raisons de son départ, son mari dépensait toujours
plus que ce qu’il ne gagnait… qu’on se retrouvât toujours qu’avec des dettes. Pas marrant pour les aînés, René et moi, adolescents,
pour les courses du miammiam, lorsque l’épicière
ou le boucher du coin demandaient le passage des parents pour régler l’ardoise
qui s’alourdissait ; mais ils avaient bon cœur pour ce foyer aux six
enfants… et nous partions, en rougissant quand-même, avec les précieuses
victuailles. Ce Mouton d’Or n’a fait qu’aggraver le caractère dépensier et
irresponsable de ce chef de famille, baptisé Monsieur Champagne à la Rose
Noire, chez Louis Leduc, presque son voisin dans la Petite rue des Bouchers ou
chez Paul au Gaity près de la Place de Brouckère, sans parler des quelques
derniers bastions au cœur de la cité de bars et cabarets qui avaient échappé à
la razzia de la police des mœurs qui avaient mission d’assainir Bruxelles avant
l’Expo 58.
Adieu aussi Maman pour ta belle et
longue chevelure et ce doux visage maternel et aimant où tu me témoignais toute
ta tendresse… Que tu affichais maintenant un regard assez froid et distant,
même vis-à-vis de ce fils de dix-huit ans qui portait le même prénom que ton
père. Pourquoi ? Évidemment que tu
fus déçue que ton deuxième garçon interrompe ses études, pourtant assez prometteuses,
pour une carrière scientifique !
C’est
seulement maintenant à presqu’à l’âge du décès de mon père - le six juin,
Facebook annoncera sans doute ma date anniversaire sans préciser mes soixante-dix-neuf
printemps - et cela, grâce à Olivier Delacroix et Julie Ledru, un reportage sur
France 5 : Ils font bouger…
sur la question de la « Transidentité, le combat pour être soi »
, alors que cette question me reboutant habituellement, j’aurais normalement visé un autre programme. Quelle
est cette force mystérieuse, cette raison de suivre avec attention, ne serait-il
pas temps enfin de me pencher sans préjugés sur la question de l’homosexualité ?
Les témoignages me touchent au point d’en avoir des larmes. Ces dérèglements de la nature humaine où, précédemment, j’insistais me demandant pourquoi le Bien et le Mal, interrogeant l’Éternel ? Que la réponse me tombe en paillette d’or sur Frank, le berger allemand qui me précédait dans ce chemin de campagne, près de Corroy-le-Grand : « L’ennemi c’est ma puissance, l’amitié ma récompense » … Il y a des bons et des mauvais parmi les humains. Pourquoi de telles différences ? Serait-ce une question de cette alchimie de la modernité industrielle (principalement la malbouffe) qui aurait modifié nos cellules ? Que des hommes naissent dans des corps de femme et que des filles naissent dans des corps de garçon ?
Et que ces exclus en quelque sorte sont néanmoins des humains. Nous savons que l'instinct grégaire de base qui nous caractérise garantit notre survie..
.Et ce n'est donc pas contrenature, mais essentiel à leur équilibre de pouvoir se retrouver parmi les Autres...et le plus simple, des comme eux, qui ne leur porteront pas un regard réprobateur ou méprisant.
Voilà ce qu'était jusqu'en 1958 la Petite rue des Bouchers.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire