dimanche 13 juin 2021

 

Le Bout du Tunnel

Par un curieux lapsus (d’ailleurs ne le sont-ils pas presque toujours :  curieux ?  Ce qui donneraient des indices à ton psychanalyste...ou à toi-même en te relisant ; que tu t’aperçois avoir placé en entête d’un précédent texte « Rebondissement », alors que soucieux de maintenir le fil d’Ariane de ton blog, le titre aurait dû s’intituler « Aboutissement »).  Aboutissement, car effectivement, la boucle est presque bouclée de cette narration autobiographique, parsemée de chansons, à laquelle tu t’y es attelé depuis plus de deux ans.  Rebondissement ?  Pourquoi pas ?  L’un donnant un flux d’énergie à l’autre comme une pulsion, un ressort se déployant.  Le bout de ce long tunnel apparaîtrait enfin ! 

-          Mais fais gaffe Georges, la lumière peut être aveuglante, sois prudent !

-             Je dis deux ans pour ce périple, mais ce serait plus d’un quart de siècle !

  Pour rappel,

 À l’Origine de pourquoi un patron de plusieurs restaurants en plein essor démissionnera...abandonnant sa famille et tous ses biens...Pourquoi ?  

Au milieu des années quatre-vingts, drame ! Le rapport médical alarmant de l’Institut Bordet pour Hélène, mon épouse !  D’après l’oncologue : « .../...deux à trois ans, à moins d’éliminer la cause... », ajouta la thérapeute.  Pourtant, nous formons un couple heureux en ménage, grâce aussi à nos enfants : un adolescent de quatorze et une mignonne petite fille de huit ans. Nos affaires, principalement des restaurants, tournent rondement et nous permettent les extravagances d’une vie bourgeoise relativement insouciante jusqu’à cet après-midi d’octobre où la mère (44 ans) de mes enfants revient en pleurs du cabinet médical m’annonçant en larmes de ses beaux yeux d’émeraude dont j’ai toujours été amoureux, le verdict :  Une septicémie pouvant tourner en leucémie, mais où je retiens : « à moins d’éliminer la cause ».     La cause, la cause !  D’abord l’effondrement...mais il ne me faudra pas des lunes avant qu’une certaine rage m’emporte.   Dès lors, tel un limier explorant la moindre piste, je dévore des ouvrages médicaux qui me feront remonter jusqu’à Hippocrate (l'une des premières règles que les étudiants en première année de médecine  apprennent: « trouver la cause »,  que prônait leur boss  antique) ; qui me mèneront aussi aux rapports scientifiques des plus récents.  Une remarque me frappa plus particulièrement. Celle tirée d’un ouvrage écrit par un médecin : « Que la santé est une affaire trop sérieuse que pour la confier qu’aux seuls médecins » (je constaterai plus tard qu’il n’était pas le seul membre de sa profession à émettre cette idée).  Pascal (de l'Institut...pas les Pensées de l'Autre qu'on étudie en philosophie dans  les lycées ) en est un des plus évidents exemples.  

-         Ah, c’est ça ta rage !  T’avais pas été vacciné ?

-          Effectivement,  pas vacciné contre ce mauvais sort qui venait frapper notre famille où tout semblait nous réussir. D’ailleurs les symptômes commençaient à apparaître.  Tout ce savoir brusquement entassé dans ma petite tête,  pour lequel je ne suis pas vraiment armé.  Mes neurones partent dans tous les sens, débridés.  Si tu veux comprendre, tu commences par lire Utopia de Thomas More et ensuite l’éloge de la Folie d’Erasme, son grand copain.   Je tire mes propres conclusions.  Des lois de la Physique, de la Biologie, les comportements des pré-Sapiens depuis la Guerre du Feu, les citoyens d’aujourd’hui, ceux qui vivent dans les contrées froides, les autres où c’est torride...que delà m’était venu l’idée du Phosomètre, que le 19ième Salon des Inventions et Technique nouvelles de Genève me décerna une médaille de bronze en avril 1991... Et le pire, c’est que je me suis mis à ne plus cuire mes aliments, je deviens, dès 1986, un « Instincto », endoctriné par un certain Guy-Claude Burger, physicien suisse, établi dans la ferme-château de Montramé à Soisy-Bouy, près de Provins, l’auteur d’un livre « La Guerre du Cru ».

-          Toujours à la recherche des fameuses causes, un petit libraire de marché bio à Paris m’avait conseillé ce bouquin qui fut un déclic.  C’était tellement évident que je me rendrai chez ce gourou, comme la presse à scandale le traita par la suite.  Ce savant sera condamné à quinze années de prison ferme par le Tribunal de Provins pour acte de pédophilie, exercice illégale de la médecine, avec l’interdiction de communiquer à plus de trois personnes à la fois.   Pour la pédophilie, je n’avais rien remarqué, je sais juste qu’il voulait comprendre les pulsions infantiles...qu’il en avait écrit cet autre essai « Les Enfants du crime » Quant à la médecine, il avait toujours précisé qu’il n’était pas médecin et qu’il s’entourait d'eux pour suivre les curistes malades. Tristesse et honte sur ces thérapeutes qui n'ont pas témoigné au Procès! (Ou peut-être que l'accusation bien organisée avait réussi à les débouter avec cette ombre menaçante qu'ils soient exclus de l'Ordre des médecins.)


Personnellement j’y avais conduit, en phase terminal, un certain Jean Floridor, ex commandant des ferrys faisant la navette entre Ostende et l’Angleterre. Il devait mourir dans la huitaine d’après l’hôpital. 
 Avant de continuer, je me dois d’abord de certaines précisions.  Hélène et moi sommes séparés depuis peu.  On s’était dit que parmi les causes, qui sait, si ce n’était pas notre couple le grand responsable de sa maladie. C’est une femme de caractère, mais pour les questions des affaires, c’est moi qui décide en final.  Elle en souffrait peut-être...et je n’avais pas spécialement toujours raison. Sur un autre point, elle est très jalouse , et j’avoue avoir eu quelques faiblesses à une époque bien que cela ne se produisait plus. Oui, nous avions eu notre crise en 1981. Vers mes trente-neuf ans (elle en avait quarante-et-un).     En fait,  brusquement un ras-le-bol de nos disputes continuelles… trop de pressions et j'aspirais à une  autre vie.  En lui annonçant fermement la quitter et faire un partage équitable de nos avoirs,    son visage se décomposa tellement, me rendant compte du  mal que j'infligeais à la mère de nos deux enfants, que finalement je changeai d'avis. Dès lors tout s'est remis mieux encore qu'à notre mariage. Plus jamais de disputes.  Notre amour avait repris sa  place prioritaire. Plus que du bonheur et de l'harmonie dans notre famille pendant les cinq  années suivantes, jusqu'à ces examens médicaux de la clinique Bordet.  
 C'était  mon point de vue, mais était-ce le sien? Ne faisait-elle pas trop d'efforts sur elle-même, au détriment de sa personnalité propre qui la rongeait intérieurement? Ne serait-ce pas là, la cause?   Il faut tout essayer, avant tout pour les enfants. Pas question d'en faire deux orphelins privés de leur mère!  Le cancer peut provenir de l'amertume qui s'installe doucement.   L'issue fatale est parfois  inconsciemment souhaitée par l'un ou l'autre conjoint . 
      Aussi, nous avions décidé de nous éloigner l’un de l’autre pour une période de six mois pour voir l'évolution de la maladie.  Je séjournerais sur le  bateau ancré au Port Vauban à Antibes avec ma guitare et composais des chansons.  Il valait mieux m'éloigner aussi de la gestion des restaurants car je risquais, par mes nouvelles idées, de devenir une sorte d'imprécateur.  Pourquoi pas des restaurants végétariens dans la Petite rue des Bouchers aurais-je lancé quelquefois dans nos discussions, ce qui l'inquiétait.     Entretemps, l’oncologue de Bordet, la Doctoresse Henri avait recommandé un certain confrère généraliste, un ex kiné qui avait repris ses études,  le Dr.  Michel V. pour suivre mon épouse.  Ce thérapeute, dix ans plus jeune que ma légitime épouse, tombera amoureux.  In fine, n’était-ce pas ce qu’il y avait de mieux pour ma femme après tout ?  Surtout qu’elle n’est pas décidée de me suivre dans ma nouvelle façon de me nourrir.

-          J’en reviens à ce commandant Jean Floridor.   

-          Un soir de 1990, à mon grand étonnement, car ça n’a jamais été le grand amour, ma belle-mère, me téléphona de Mariakerke,  faubourg de et à l'Ouest d'Ostende.  Elle occupait à l’année un appartement sur la digue. Au courant de ma nouvelle façon de vivre, à savoir « Instincto », elle   me pria de venir voir le mari de son amie qui va très mal.  Comme j’étais justement à Bruxelles* pour quelques jours chez ma mère, le lendemain, il ne me fallait pas beaucoup plus d’une heure pour rejoindre la Côte. 

*Ayant vendu le motor-yacht, le Coloba, amarré à Antibes en vue d'acquérir un voilier hauturier, je résidais habituellement dans un charmant pavillon à l'ouest de Paris à Le Peck près de Versailles  dans les Yvelines.   L'Ouest parce que plus près de l'Atlantique et ne pas devoir traverser Paris quand, en urgence, mes besoins d'air salin  se faisaient pressants;  et aussi  d'avoir créé  "Le Pacific fruits§music", au 8 rue Brantôme dans le 4e Arrondissement.  Nouvelle formule de restaurant avec ce slogan affiché sur le fond du  décor,  style  cabanon  haïtien : 

"Manger du fruit c'est génial!  L'aliment originel engendre la communion des Êtres; contribue à la symbiose de l'homme et de la nature, Régente de l'action positive"

J'avais tort, mais c'est plus fort que moi, il a fallu encore une fois - était-ce la cinquantième ou la soixantième ouverture,  le  8/8/ ..88? .-   Succès ce premier jour d'inauguration (défilé de mode d'une jeune styliste liégeoise, je chante sur la scène face à + de 600 personnes: des Parisiens, des amis, des curieux, des profiteurs (cocktails offerts) et...le service de l'Ordre pour m'annoncer qu'il me fallait des autorisations de la Préfecture pour produire de la musique en life.  Je m'empresserai le lendemain de courir à Versailles faire ma demande. Tout le caractère de ce resto-cabaret était fondé , bien sûr sur une alimentions  à base de fruits, mais aussi et surtout en y joignant ce folklore de musiciens  antillais. Le charme étant rompu, après trois mois d'attente, par manque de trésorerie, il me faudra licencier les neuf collaborateurs;  confier les clés à une agence immobilière pour céder le fond  de commerce et  le bail ; quand, juste à ce moment là, un policier m'apporta ces fameuses autorisations , un après-midi de novembre 1988. 

"-  Merci Monsieur l'agent je n'en ai plus besoin, vous voyez, j'abandonne ",  en lui rendant ce document .  

Oui,  tort aussi  par  lâcheté de ma part.   Le futur"  Spirit of Sindbad" , un cotre alu, dériveur intégral de 52 Pds m'attendait à Pointe-à-Pitre (on venait de le mettre à l'eau, le six juin 88 , le jour de mes quarante-six ans par hasard , ce n'était pas voulu)  pour me lancer dans  l'aventure des mers, voilier  que j'avais pu acheter grâce à la vente du Coloba, mon ancien motor-yacht.   Manque de persévérance pour le resto  - et je fus bien puni.  L'agence n'a     jamais trouvé acquéreur,...et j'ai déposé le bilan après + d'un an de loyers faramineux  impayés dans cette période en attente d'un acheteur potentiel.  

Petite consolation, quelques années plus tard, je passai devant le 8 de la rue Brantôme (quartier de l'Horloge annexé au centre Pompidou) : Très attirante, une superette présentant sur son étale extérieure de magnifiques fruits et légumes.  Super!  Ils auraient peut-être dû garder une partie de mon enseigne: "Pacifiques fruits",  en modifiant la grammaire.     


 Le quinquagénaire que je découvrais dans sa maison, avait décidé de mourir chez lui et non dans le mouroir de la clinique.   Le moribond,  allongé sur un lit face à la fenêtre, ne ressemblait plus au grand gaillard que nous saluions  de temps en temps sur la plage, lors de nos visites pour conduire ou chercher nos enfants en vacances chez leur grand-mère. Il est squelettique, des escarres couvrent ses avant- bras.  Claude, son épouse est complètement perdue. Le cancer de la prostate s’était ramifié très rapidement.  Trop rapidement pour cette maman de trois filles (la plus jeune doit avoir onze ans) qui n’avait jamais pris la moindre décision, laissant ce rôle à celui qui en avait l’habitude de commander et tout gérer, aussi bien sur son navire que dans l'habitat  familial.  Bien qu'enseignante à l'origine, devenue mère au foyer,  on sent que c'est  une femme-enfant.  Les revenus du mari sont suffisants, mais la  mort est éminente, une affaire de quelques jours.  Pas trop convaincu moi-même, c’était évident qu’il allait trépasser d’un moment à l’autre. Mais Jean me tiendra la main tout le temps de ma visite et semblait me supplier.  Il sait lui qu'il y a encore trop de choses à régler.  Il faut qu'il survive encore un peu! .   Je le conduirai avec son épouse deux jours plus tard chez Guy-Claude à Soisy-Bouy.  Jean ne mangeait plus depuis huit jours.  Le premier soir, il avala huit œufs crus.  Claude qui n’avait pas suivi mon conseil de jeûner au moins quarante-huit heures à l’avance, sera malade toute la nuit.  Par contre Jean, miracle!   Il avait dormi comme un loir.  Vous n’allez pas me croire, il m’accompagnera le matin  pour un tour de la propriété à pedibus sans la moindre assistance.  Il survivra encore deux années. J’en suis témoin, je le jure. Ce qui lui avait permis de mieux préparer son départ.  J'apprendrai sa mort à l'aéroport de Zaventem  en 1992 avant d'embarquer pour un vol  vers Londres et ensuite un autre vers l'Australie et encore un troisième vers la  Nouvelle-Calédonie pour rejoindre mon bateau, le Spirit of Sindbad  et  un skipper, un certain Jean-Louis qui ne sembla pas trop content de me voir arriver à l'improviste.  Il avait disparu depuis près de deux  années depuis le Costa-Rica.  Sa copine, Céline avait mis au monde son fils Robinson à Golfito (coté Pacifique). Et je voulais leur laisser un peu d'intimité et étais rentré en Europe .  Une autre raison aussi:  un album de chansons à enregistrer à Bruxelles. Et puis une petite carte postale de Céline deux ans plus tard qui m'annonçait  avoir quitté Jean-Louis avec son enfant en me précisant que le bateau mouillait dans la Marina de Nouméa. 

-           Pour en revenir  à l'auteur de "La guerre du Cru" ,  c’est vrai que les théories du physicien risquaient d’ébranler tout le système alimentaire de la planète.   Et cet homme se laissa condamner.  Ses propres disciples, de vrais médecins qui croyaient, comme moi-même dans ses travaux, l’ont complètement renié.  Des Judas !  Il nous faudrait un nouveau Voltaire comme pour l’affaire Jean Calas, qu’il réhabilita... ou un Zola pour le capitaine Dreyfus, pour dire, mais je le dis aussi : « J’accuse » ce petit tribunal de Provins d’avoir condamné à une si lourde peine un homme qui avait peut-être des torts sans doute, je n’ai pas suivi le procès, mais une telle peine de quinze ans de prison.  Des nazis et collabos assassins   en ont fait moins.   Ne serait-ce pas plutôt vouloir clouer le bec de ce scientifique ?    J’accuse aussi cette presse à scandale qui a poussé jusqu’à l’opprobre cet intellectuel, se basant sur des rumeurs et non de procéder à des investigations sérieuses.   C'était priver  la science et le genre humain  d'une étude de plus de vingt ans.  Il n’est  plus nécessaire de crucifier ou de brûler ces visionnaires qui risqueraient d’ébranler l’Establishment. Quelques articles où gourou, secte, pédophilie apparaissent… et l'affaire est réglée!   

 Moi,  qui n’étais pas apparemment en mauvaise santé, j’avais opté pour cette nouvelle façon de me nourrir; surtout dans le but que mon épouse me suive et s’y applique le temps pour sa guérison.  En moins d’un mois, à ma grande surprise, car ce n'était pas mon but, j’avais éliminé tous mes excédents graisseux...de mes quatre-vingts kilos, je passais à moins de soixante-cinq.    Un corps et un cerveau plus alerte...que, de par ma nouvelle psyché crudivoriste…  Honnêtement je ne pouvais plus exercer le métier de restaurateur. 

  Je partirai avec ma guitare et mon bateau.  Le toubib épousera Hélène qui vivra encore quelques décennies jusqu'en septembre 2016.   

 



Cliquez ici pour écouter Départ

arrangements: Alan Booth




Départ


Bien sûr qu’il y a des liens très fort  
Qui tiennent l’esprit et le corps
On ne sait pas toujours pourquoi  
Mais parfois on quitte tout ça
Couplet 1 :
Écoutez-moi frères et amis 
Je viens vous dire que je m’en vais
Comme l’hirondelle vers le midi 
L'en empêcher elle en mourrait
Pardon ma mère, pardon mon père 
Mais vous savez bien mieux que moi
Même si les hommes sont solidaires
Chacun doit suivre sa propre voie
Refrain
Suis-je un de ces fils du vent  
Nomade d’instinct guitare au flanc
À la manière des troubadours 
Par mes chansons je vis d’amour
Couplet 2 :
Et toi ma femme qui ne veux suivre  
Ta destinée n’est pas le vent
Je partirai seul sans rien dire 
Laissant la place chaude à l’amant
Je vous laisserai mon peu de fortune  
Pour mes paroles et mélodies
Les braves gens me donneront la tune
C’est ma façon de gagner ma vie
Refrain 2
Couplet 3 :
Les sédentaires gardiens de frontières 
Je ne m’en vais pas pour faire la guerre
Mais regardez comment se meurt 
La Terre entière face à vos murs
Bien sûr qu’il y a des liens très fort  
Qui tiennent l’esprit et le corps
On ne sait pas toujours pourquoi
Mais parfois on quitte tout ça

Ma foi… ma voie !

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