dimanche 8 avril 2018

Va où il est impossible d'aller


Costa-Gavras et Yves Montand



Et ce dimanche 8 avril 2018, votre fan de Catherine Ceylac pour son émission « Thé ou Café »,  a le bonheur de mieux découvrir le mystérieux Costa-Gavras,  dont ses films m’avaient indiscutablement frappé l’esprit toute une époque,  surtout quand Yves Montand était en haut de l’affiche.  J’ignorais tout l’attachement et la complicité entre ces deux personnalités que j’apprends de la bouche de  cet invité,  considéré comme l’un des plus intellectuels cinéastes de la fin du vingtième siècle.  Dès lors,  je vais m’empresser  de lire son livre «  Va où il t’est impossible d’aller »  et suivre son conseil : «  d’aller vers cet impossible ».  Oui,  aller vers cet impossible que je n’ai d’ailleurs jamais vraiment cherché à atteindre,   sauf  une nuit entre le 4* et 5 janvier 1991 quand je glissai dans la boîte à lettre d’Yves Montand,  à Saint-Paul dans le Midi,  un poème écrit cette même nuit à Antibes chez Isabelle,  infirmière de garde à l’Hôpital d’Antibes,  «  Il n’y a pas d’ordre pour faire la guerre ! »  J’avais  allumé la télé pour passer le temps à l’attendre.  Sur la Toile défilait un reportage des soldats français dans le désert irakien -  des  jeunes militaires qui envoyaient face à la caméra des coucous à leur famille,  attendant,  me semblait-il, avec une certaine allégresse,  l’Ultimatum du 15 janvier pour entrer dans la bataille contre les troupes de Saddam Hussein qui avaient envahi le Koweït.  Il planait sur le  monde occidental un sombre nuage  d’inquiétude de Troisième guerre mondiale... que je voulais faire partager.  L’appui d’un Yves Montand pour porter ce message serait certainement plus efficace que la voix d’un anonyme tel que moi.   Le hasard de me trouver à quelques kilomètres de la maison du célèbre acteur et chanteur me poussa cette nuit jusque à cette place où la star aimait lancer la boule avec les villageois du coin.   Grande surprise,  quelques jours plus tard, de retour à Bruxelles,   encore dans le hall d’entrée,  la sonnerie du téléphone,  comme si elle m’avait attendu de mon retour de ces quelques jours à skier dans les Alpes du Sud avec Isabelle, d’entendre cette voix chantante : « -Je voudrais parler à Georges Salles...- moi me déclinant (je lui avais prié, dans la lettre en plus du poème de chanter ma chanson Halabjã   dont la finale : arrêtez-ça ! également jointe en K7) …/ -  Ce n’est pas mal ce que vous faites…. Non,  je ne chante plus,  mais vous avez du talent,  vous devez continuer;  n’abandonnez surtout pas…/… » .   Oui,  Monsieur Yves Montand m’avait donné près de dix minutes de son temps, un soir de la mi-janvier 1991,  que de cet instant magique,  je n’ai même pas osé l’interrompre pour demander à le rencontrer,  ce qu’il aurait certainement accepté.  Et puis au fond,  au demeurant,  l’essentiel, le message?,  il l’avait transmis. Ce précieux temps qu’il m’avait consacré était suffisant,  je n’allais pas en abuser par un rendez-vous  et lui en faire perdre alors qu’il ne lui restera que quelques mois à vivre. 

J’apprends à cette émission « Thé ou Café »  que Costa-Gravas à l’intention de se lancer dans un film musical.  Oui,  je vais suivre son conseil : «  Aller vers cet impossible ».  Aller à Paris dans le cinquième arrondissement où il réside,  lui proposer mes services pour une telle œuvre et lui rappeler cette anecdote de son ami quelques mois avant qu’il ne disparaisse…mais c’est vrai les étoiles brillent jusqu’à nous Terriens, encore des milliers d'années  après qu’elles s’éteignent.

Le poème déposé chez Yves Montand à l'aube du 5 janvier 1991, je le mis finalement en musique le matin du 4 mars avec une légère modification,  suite qu'au départ  j'exprimais mon inquiétude pour prévenir d'une guerre éventuelle (l'Ultimatum du 15 janvier) "Il n'y a pas d'ordre pour faire la guerre"  et qu'ensuite   la fin du conflit: l'armée irakienne vaincue, "N'allez pas crier victoire"   la soi-disant paix  revenue ;  nous connaissons la suite! À peine terminé,  j'allume la télé et apprends avec tristesse la mort de Gainsbourg qui avait prédit sa mort à la fin de la troisième guerre mondiale.   Vu la facilité avec laquelle cette mélodie s'associa au texte ,  j'en ai déduit qu'il m'avait envoyé l'inspiration,  aussi je l'intitulai -  


"Requiem Gainsbourg", 
 Plutôt que
N'allez pas crier victoire!

 Avec la précieuse collaboration d'Alan Booth pour les arrangements


Ah, ces folies de l’humanité !
N’allez pas crier victoire
Parce qu’une guerre est terminée
N’allez pas chanter la gloire
Même si on se croit du bon côté
N’allez pas pousser ce cri
De ceux qui pensent avoir raison
N’allez pas croire que l’autre religion
Soit la mauvaise parce qu’on l’a dit

Ah, ces folies  de l’humanité
Aux disparus qui ont résisté
Mais aussi la neutralité
Se cachant derrière l’épais brouillard
Du faire semblant de ne pas savoir
Aussi à ceux qui se prétendent
Dans  le défilé des pacifistes
Mais qui n’hésiteraient pas à pendre
Le premier venu à l’air fasciste

N’allez pas faire les vaniteux
Comme si c’était gagner un jeu
L’orgueil est là, c’est comme un rat
Qui ronge l’Homme sous son drap
C’est toujours lui, oui cet orgueil
Qui s’accroche en forme de médaille
Et suit nos morts sur leur cercueil
Comme s’il pouvait donner l’éveil

Ah, ces folies de l’humanité
Qui  président à nos destinées
Et qui prétendent fondant les lois
Que le passé est la seul foi
Penser plus loin on ne le peut pas
Sacrifiant leurs fils sur la croix
Sourds et jaloux brisant les mères :
La concurrence de l’éphémère
Adolescent encore qui croît

Ah, ces folies de l’humanité
Qui peignent en noir toute l’Histoire
Brimant le rire comme un péché
Poussant l’enfant au désespoir
Face à l’absurde du Savoir
Marchez dans le rang sans protester
Et vous serez récompensés
Surtout ne pas imaginer
Pouvoir changer la société

Mais son déclin inévitable
Démocraties au ton affable
Par l’habitude trop confortable
Mène l’inconscience de la bonne table
Repus de chairs et de vins chers
S’endorment dans l’antre du cancer
Confiant leur sort aux militaires
Ne savent même plus aimer la terre

Ah, ces folies de l’humanité
À ceux qui n’osent plus partir
À cause de ça, ne peuvent plus aimer
Parce qu’ils ont peur de mourir
Mais, sans cela,  comment venir
L’éternité ce n’est pas la joie
Laissons cela aux écritures
Encore faut-il qu’on ne les brûle pas
Que des ignorants clament l’imposture

Pour moi la seule qu’il faille bannir
C’est d’accepter « je dois tuer »
Surtout pas d’ordre pour faire périr
Alors viendra la Vérité
Que tous les hommes s’entendent entre eux
Chacun ayant reçu des cieux
De protéger l’humanité
Suffit d’un peu les écouter…les écouter
Écoutez



Un clic sur ce requiem pour l'écouter


* Le 4 janvier est aussi la date anniversaire de la mort de Albert Camus (en 1960).  Je pensais à lui quand je rédigeai ces vers.  

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