jeudi 27 septembre 2018

Le paumé





Le Paumé aventurier  


Trompette et clarinette : Willy Vandewael
Piano : Rudy Meynaert
Guitare:  Roland Kert
Drums:  Bob Darch
Arrangements et Basse:  Alan Booth

Je suis un paumé, j’ai quitté Paris,
Et je suis parti oubliant mes souliers
J’ai très vite compris que je suis un paumé…un paumé

Car figurez-vous que mes pieds trop mous
N’ont pas résisté au premier petit trou
Je suis un paumé, pas un aventurier.
  Moi l’aventurier!

Je suis un paumé, pas un aventurier
On me l’avait bien dit
De ne pas quitter Paris

Et moi le bourgeois, d’un timide pas
J’ai emmené ma croix sur le dos de ma foi
En cherchant le bonheur,
J’étais tout en sueur. 
 Moi l’aventurier!

J’allais bien me nourrir de ciel et d’amour ; 
Oubliant l’estomac,  plus de problème de foie.
Mais au premier Carrefour,
  Je craquai pour des p’tits fours.
Moi l’aventurier !

Je suis un gourmand, pas un aventurier
On me l’avait bien dit 
  De ne pas quitter Paris

De belles phrases à l’envers,  me prenant pour Voltaire
Et c’est en globe-trotters que je fis le tour de la terre
Je n’ai pas eu très peur :
La « Diners » près du cœur.
Moi l’aventurier! 

J’ai voulu faire du stop,  mais pour lever la main
Il y avait tout qui se bloque.  J’ai pris le premier train,
Aidé par un porteur.  
J’avais comme des raideurs.
Moi l’aventurier!

Je suis trop bloqué pour être aventurier
On me l’avait bien dit
De ne pas quitter Paris

Prônant la Vérité, rejetant la Société, 
Mais c’est mon contrôleur qui me faisait très peur.
Et pour fuir les impôts,
J’étais Marco Polo.
Moi l’aventurier!

Mon peu d’argent au « noir », et mon air de paumé
Ont dû s’apercevoir par des anciens bagnards
Je me suis bien fait avoir par ces aventuriers.
Moi l’aventurier !

Je suis un fauché, pas un aventurier.
On me l’avait bien dit
De ne pas quitter Paris.

Et quand enfin plus rien, n’ayant plus de moyens, 
Que j’ai dû chercher simplement à manger,
Il a fallu que j’aille chercher du travail.  Aïe aïe aïe!

Et soudain mon cerveau a repris sa fonction.
Je n’ai plus eu besoin de tous ces grands malins.
Pour mener ma vie d’homme, il ne fallait que moi,
Sans d’autres personnes.  

La guitare ou banjo, la manche dans les bistrots
Et je rêve ici des filles à   Paris 
 Ici  aux Antilles  

  Moi l’aventurier.


Bientôt,  retour à Paris avec l’espoir de faire la bonne rencontre.    
Il y en eut une, trente ans auparavant. 
 Peut-être la plus positive de mon bref passage  dans le 4ième  Arrondissement,  à l’époque où je croyais conquérir Paris avec mon resto

PACIFIC FRUIT&MUSIC

  8 rue Brantôme (quartier de Beaubourg) 
qui ne dura que trois mois,
  de août à octobre 1988, 
 avec cette maxime :

« Manger du fruit c’est génial ! 
 L’Aliment originel engendre la communion des êtres
 et contribue à la symbiose de l’Homme et de la Nature ;
  Régente de l’action positive »


Il y a trente ans,  un certain François Cochon.

…/… Il y a aussi  ce François Cochon – oui, vous avez bien lu, c’est le patronyme d’un jeune homme, l’air d’un étudiant bien vêtu, pas l’apparence d’un clochard  faisant la manche.   Il m’avait demandé cinq francs à la sortie du RER  à Saint-Germain-en-Laye,   la bouche de métro qui jouxte pratiquement l’enceinte du château où  vivait Louis XIV avant de trôner à Versailles.   Machinalement,  je lui avais glissé une pièce de dix.  Surprise,  il m’invite à la brasserie juste en face.
- Mais, ça va te coûter plus cher que  cette petite obole!, rétorquais-je en continuant ma route sans trop m’attarder vers l’endroit où était garée l’auto. (J’évite de circuler avec dans Paris) …et puis,  j’hésite :   finalement…ce  gars avait peut-être besoin de parler, …et rien ne m’empêcherait de régler moi-même les consommations. 
 - D’accord,  j’accepte ton invitation.
Nous  boirons tous les deux un café … et, comme c'est l'heure du déjeuner,   je lui propose de casser la croûte avec moi.
- En moins de cinq minutes, en voiture on peut être chez moi,  à Le Peck, (ville où naquit Jacques Tati). Je peux faire une omelette.
 Son regard s’anime,   il acquiesce,   mais me demande de faire un détour à son appartement.  C’est déjà une bonne chose : ce n’est donc pas un SDF – il n’en avait pas l’air de toute façon - .   Par contre chez lui, dans la cuisine,  c’est le foutoir : une  vaisselle de plusieurs jours.   Pas difficile d’y deviner le  désarroi de ce jeune homme en pleine déprime… sans travail, malgré son CAP de menuisier-charpentier.    On ne s’attarde pas,  et nous voilà chez moi.   Pendant que je prépare une omelette aux tomates,    il se met à  écrire timidement, au coin de la table sur un petit bout de papier, qu’il me tend ensuite en baissant les yeux.  J’y lis : François Cochon. Cette attitude me rend évidemment perplexe, mais je ne fais aucun commentaire et le laisse terminer son omelette. 
- Puis-je téléphoner ? me demande-t-il.
- Vas-y,  le téléphone est dans le salon.
J’entends qu’il appelle dans un hôpital et  demande la chambre d’une certaine  Martine X qui est en maternité.  La conversation est plutôt calme et courtoise.  J’en conclus l’inquiétude  d’un futur papa et comprenais mieux le désordre dans son appartement.   Aussi j’enchaîne :
-  Alors,  c’est ta femme qui va accoucher ?
- Ce n’est plus ma femme.
- Comment ?  Elle va accoucher pourtant.
Ce n’est pas moi le père.  Nous sommes séparés depuis plus de neuf mois.
-  Oui, ça peut arriver…mais alors son nouveau compagnon…il doit être près d’elle en ce moment ?
- C’était un jeune de seize ans qui s’est enfui.
- Alors j’imagine que ses parents sont près d’elle ?
- Elle n’a personne.  Elle est orpheline.
- Faudrait peut-être bien que tu ailles la voir,  si elle est seule,  pour la réconforter.
-  Pas question, ce n’est plus mon problème !
- Ah bon !  Du coup je m’énerve.  -  Casse-toi,  tu ne m’intéresses pas.  Et j’ajoute précipitamment en ouvrant la porte de rue :
- Sois content !  Ce ne sera pas un petit Cochon qui va naître, mais un petit Jésus.  D’ailleurs,  rien ne t’empêche d’aller changer ton nom.  Ce n’est pas de ta faute si l’un de tes ancêtres a fait en sorte qu’on l’appelle ainsi.  Je peux imaginer ta souffrance depuis ton enfance.  Les moqueries de tes compagnons de classe…ensuite à l’armée…et puis au boulot.  Je crois que tu en as bavé.  Va changer ton nom,  appelle-toi « Chevalier » ou « Saint Joseph » puisque t’es charpentierCasse-toi !
Moins de cinq minutes après son départ.  On sonne à la porte d’entrée.  C’est mon lascar qui revenait penaud.
Si tu m’accompagnes, je veux bien aller la voir.
-  Sans problème, on y va tout de suite.
 Je m’arrêterai chez une fleuriste et lui tend le bouquet.
- Tu lui donneras  sans dire que c’est de moi.
Martine, la future maman est seule dans la chambre,  allongée sur le lit, souriante en nous voyant arriver.  Elle ne doit pas avoir beaucoup plus de vingt ans. L’accouchement est programmé pour le lendemain.  Je ne suis resté que quelques minutes, prétextant un rendez-vous presque oublié, pour qu’ils se retrouvent entre eux.
Trois mois plus tard, lorsque cet agent de la Mairie m’apporta l’autorisation pour la musique*,  alors que je remettais les clés à la jeune dame de l’agence immobilière, chargée de la vente du pas-de-porte du 8, rue Brantôme,   arrive une silhouette que je crois reconnaître.  Un jeune homme souriant, ayant dans ses  bras un magnifique bébé.  C’est bien lui, tout rayonnant : François Cochon !   Il avait suivi mon conseil.   L’Administration avait accepté le changement de nom; il s’était remis en ménage  avec Martine,  reconnu l’enfant, et avait trouvé du boulot.  Zut, j’ai oublié de lui demander  son nouveau nom !

Paris venait de  m’offrir le plus beau cadeau d’adieu.

*j'avais attendu trois mois pour obtenir enfin,   mais trop tard, l'autorisation de produire en life des musiciens qui   fit que le Pacific fruit&music,  sans cet attrait  n'avait jamais  vraiment pu se singulariser et avoir le succès nécessaire,  malgré les deux critiques élogieuses du Figaro Magazine,  nous situant parmi les meilleurs restos du 4ième et 5ième Arrond.  et de compter parmi ses  quelques clients fidèles,  Madame Catherine Lara,    pour que les recettes puissent payer les salaires des neufs collaborateurs... et, vu le loyer exorbitant et trésorerie épuisée, ...vous devinez la suite...

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