vendredi 7 mai 2021

Pourquoi rient-ils ? J’avais annoncé, en juin 1958, avant le départ aux grandes vacances, que mes parents ouvraient un restaurant dans la petite rue des bouchers. À mon étonnement, mes profs en soutane du Collège Ste Gertrude, soudain égayés par mes dires, semblaient bien la connaître cette ruelle du centre de Bruxelles...Mais pourquoi riaient-ils ? Çà, je le comprendrai que plus tard ! Cependant, il a fallu de peu, que disparaisse l’âme corporatif et pittoresque de cette voirie du moyen-âge. En fait, en vue de l’Expo 58, s’érigera, en honneur à la science, l’Atomium comme élément phare - à l’instar de la Tour Eiffel de Paris pour son Exposition Universelle de 1889 -, que cette construction en aluminium (censée être provisoire) de cent-dix mètres de haut, qui représente neuf atomes de fer, agrandis cent-soixante-sept milliards de fois, allait évidemment attirer un tourisme mondial très important, - les autorités de la capitale projetaient d’élargir ce passage médiéval pour faciliter l’accès vers la Grand-Place, où la statue de Manneken Pis, jouxtant la Grand-Place, ne serait également pas en reste pour attirer l’afflux touristique. Un autre problème aussi chagrinait l’Office du tourisme avant l’Expo 58. Euphémisme que prétendre à l’âme de ce quartier... ou alors ajoutons-y « damné » par l’ambiance qui devait planer entre ces maisons mitoyennes imprégnées de souffrance animale pour satisfaire les besoins carnassiers de nos aïeux. Lorsque furent déplacés ces abattoirs en pleine rue, le mal en manque trouvera une autre façon de régner en maître dans ces bas-fonds de cité. Se côtoieront plus tard les débits d’alcool, les bars louches aux mœurs équivoques, le point de ralliement des mal-aimés ou d’amour différent, dominé par le commerce de la prostitution, où le rôle du maquereau proxénète était tenu par des femmes. Oui, la petite rue des bouchers est le lieudit des lesbiennes jusqu’avant 58... son prolongement vers la Place de la Monnaie, la rue des Dominicains, est animée par les pédérastes. - Avis personnel peut-être, mais de ce que j’ai pu constater, vu que j’y vécus dans ce quartier,(et pas que moi, Charles Baudelaire, l'auteur Des Fleurs du mal, y séjourna également) et sans doute de là le mot « gay » pour les distinguer, les pédérastes sont nettement plus joyeux que leurs voisines gouines. Quartier interdit aux militaires paraît-il. D’ailleurs, mais simple supposition de ma part, cela ne m’étonnerait pas que ce soit sous l’Occupation des Nazis, très à cheval sur la question, que cet ordre coercitif fut lancé ! Pour en revenir à 1958, ce n’était évidemment pas l’image que voulait montrer Bruxelles au Monde ! Aussi, la Police des mœurs fit preuve d’un zèle extrême par des fermetures de presque tous ces commerces douteux, que dès lors ces immeubles de la fin du 17ième S, seront disponibles pour des prix très modiques. Lucio, notre père à la recherche d’un local pour établir son projet de restaurant, remarquera une affiche « à louer » sur la façade du numéro 21, commerce d’un marchand de charbon décédé, qui avait certainement eu ses heures de gloire...Il fallait quand-même aussi se chauffer dans ces lieux de perditions. L’enthousiasme de Lucio, notre père, à ce projet de restaurant « La Flambée », comme il voulait l’appeler, dans ce quartier frappé d’opprobre par l’autorité communale réveilla la léthargie des services de l’urbanisation un peu coupables du déclin de cette rue. Pour satisfaire à leur souhait, qu’à l’origine au 17ième Siècle une Hostellerie du Mouton d’or était implantée dans cet immeuble, les restaurateurs en herbe, décideront vite du nom d’enseigne : « Restaurant Le Mouton d’or ». Sous la direction et les plans de Mr Bosman, architecte de la ville, il sera édifié une nouvelle façade à la flamande, avec son pignon en gradin, totalement financée par les fonds Bruxellois... Et qu’ainsi le projet d’élargissement de la Petite rue des Bouchers fut abandonné... que naîtra le célèbre quartier de l’Îlot Sacré et sa centaine de restaurants. Hélas, aux artisans fondateurs qui en avaient donné cette ambiance du bien manger au cœur de Bruxelles, dont notre paternel avec son slogan d’Européen avant l’heure : « Manger portugais dans le plus parisien des restaurants bruxellois, à prix démocratiques », se succèderont, ce qu’on appelle communément pour la plupart, des pièges à touristes et ce principalement dans la Petite rue des Bouchers où je dirigeais la Bergerie, le Marenostrum et la Petite Provence, oui au passé, car je démissionnai en 1987... juste un peu après que Stéphanie de Monaco se fit filmer devant ma façade du Marenostrum, quelques minutes avant l'Eurovision de la chanson qui se passait à Bruxelles, pour présenter son nouveau titre "Les Fleurs du mal". Curieux tout ça!

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