lundi 9 mars 2020


Woman, 

( pardon Maman)


Film d’Anastasia Mikova et Arthus-Bertrand sorti ce 4 mars 2020 que, dès que possible, je visionnerai (de préférence sur la Toile) me plonge dans mes propres souvenirs au sujet des femmes en général et d’office à ma propre mère.  Cela me fait remonter au seize octobre 1956.  René (15 ans) et moi (14) venions d’entrer dans l’une des chambres de la maternité d’Ixelles, avenue des Saisons.   Dès que je l’aperçus en pleurs, vieillie de dix ans, je m’effondrai, la tête enfouie sur sa poitrine pour dissimuler mes propres sanglots.  La naissance de Martine s’était mal passée, contrairement aux cinq précédents accouchements dont des jumeaux (Jean-Marie et Jean-Luc).    Son dernier enfant ne vivait plus depuis quatre jours, étranglé autour du cordon ombilical.  Sans doute trop d’aisance dans ce ventre maternel qui en avait porté six auparavant !   Mon père était comme fou ne sachant comment la consoler, empêchant même qu’elle puisse voir au moins une fois ce magnifique bébé de plus de huit livres aux grands yeux bleus et déjà des beaux cheveux noirs, comme me l’avait décrit papa, car nous non-plus, René et moi, n’avions pu la contempler.   La petite sœur sera inhumée au cimetière d’Ixelles, près de notre grand-père maternel, Georges Fronville, enterré en 1933.  Notre mère n’avait alors que douze ans.  Ce père diabétique devenu aveugle, boucher et trompettiste, quelques jours avant sa mort, ne pourra donc voir les larmes de Georgette, sa fille virtuose face au piano qu’il venait de lui offrir.  Pourtant jusqu’à cette année 1956, notre famille nombreuse vivait dans la joie.  On avait la chance d’avoir un papa clown débordant d’ingéniosité pour nous faire rire (et surtout la maman qui s’évertuait souvent pour se convaincre elle-même et nous dire « que plaie d’argent n’est pas mortel »).  En effet le grand bémol à cette euphorie tribale aux six enfants et bientôt le septième, c’était que le chef de tribu dépensait toujours plus d’argent qu’il n’en gagnait… Et à cette époque, la maman ne travaillait pas.  Ce couple s’était uni dix-sept ans, auparavant, en 1939.    Lui jeune étudiant de 19 ans à la Faculté de Solboche en Polytechnique, ayant un vrai violon (pas d’Ingres) à son palmarès et elle, secrétaire sténodactylo, et excellente pianiste comme déjà énoncé plus haut, à l’occasion d’un concert au profit de la Pologne, envahie par les nazies, ils se sont retrouvés sur la scène à l’Alhambra.  Elle lui sourit ; et nous voilà 
Mais tout a basculé après ce triste seize octobre 1956.   Cette maman inconsolable ne pouvait plus rester à la maison.  Elle voulut travailler pour ne plus trop penser (aussi face aux dépenses de plus en plus excessives du patriarche inconscient face aux problèmes de trésorerie du ménage ;  d’accord, à son corps défendant, c’était pour la distraire).   C’est ainsi qu’ils décideront d’ouvrir un restaurant.  « - Au moins les enfants n’auront jamais faim », s’exclama un jour ce père, dessinateur talentueux, directeur commercial d’une usine de meuble à Vilvorde.  Le Mouton d’Or, 21 Petite rue des Bouchers ouvrira ses portes le 21 juillet 1958 avec son slogan « Manger portugais dans le plus parisiens des restaurants bruxellois » …Ah oui ! je ne l’avais pas encore précisé, Lucio, notre père était Portugais, né à Santarém le 12 mai 1920, débarquera en Belgique à l’âge de neuf ans.  Son père, Alfredo-César doção Salles de Santarém, ruiné suite à un effroyable incendie qui ravagea ses terres, se fit engager en tant que contre-maître par la société Macadam.  Il participa aux routes du littoral et principalement ce tronçon de la première autoroute partant de Nieuport vers La Panne.  Ce fiston Portugais, ne parlant pas un mot de français, pour sa première classe en Belgique (troisième primaire à 9 ans) sera premier continuellement jusqu’à la fin de ses études à la Faculté Polytechnique de Solboche qui seront interrompues suite à la rencontre de ma mère, de la guerre et la naissance de René.  En tant que dessinateur industriel talentueux il eut rapidement un emploi pour nourrir sa petite famille dès fin 1940.
 Bon !  Il ne s’agit pas ici, bien sûr, de faire l’éloge du père, un homme très possessif et dominant, mais de cette période où j’avais effectivement constater en 1959 -60, que les femmes, dont ma mère, qui décida de divorcer après une année de l’exploitation du Mouton d’Or au cœur de Bruxelles, n’avaient pas le droit d’ouvrir un compte en banque sans l’accord du mari.    Il faut savoir que malgré le succès du resto, notre paternel était devenu violent et jaloux de cette très belle femme, son épouse ; il   dépensait toujours plus.    La clientèle, et particulièrement masculine, un peu trop au goût du patron, admirait cette élégante dame pas du tout conforme aux standards de cette profession.  C’est vrai qu’à Bruxelles, on n’avait pas trop l’habitude de ce genre de restaurateurs plutôt érudits et raffinés.  Il faut aussi savoir que depuis la perte de Martine les relations amoureuses se faisaient de plus en plus rare.  Mon père ne semblait pas trop comprendre qu’il lui faille du temps avant que les choses se remettent dans la normale.  Ma mère finalement prit la fuite en allant ouvrir un autre restaurant « le Flambée » au 24, rue Francart (près de la Porte de Namur – Ixelles).  Cependant, pas encore divorcée, il lui fallait pour le registre de commerce, également l’accord du mari.   Enfin une certaine Françoise vint à son secours.  Mais à l’époque, à mes dix-huit ans, je ne comprenais pas cette incursion féminine dans la vie de ma mère et je lui en voulus énormément.
 Pardon Maman        

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